Les “Smelfies”, des itinéraires olfactifs!

00094701Peut-on cartographier les odeurs d’une ville ou d’une région? Créer de nouveaux itinéraires touristiques à partir de ces cartes? Redonner un sens à une  “destination”? Oui! La nouvelle cartographie olfactive, ou  Smelfie, a commencé!   PRÊTS POUR UN SMELFIE?
– Quel est l’itinéraire le plus parfumé de la grande banlieue de Londres? Comment découvrir Paris le nez en l’air? Quels sont les meilleurs chemins parfumés d’une une jolie campagne? Toutes ces questions, qui peuvent vous paraître étranges, ont pourtant, aujourd’hui, trouvé des solutions très intéressantes puisque ce sont les randonneurs et les marcheurs qui créent des “Smellscapes”, ces paysages cartographiés des différentes odeurs de villes ou de campagnes.
– J’entends d’ici les critiques, toujours les mêmes, vis à vis de ce type de projets,avec  ces mots-qui-tuent le renouvellement du tourisme culturel : “Mais pourquoi se donner du mal pour un simple  “tourisme de niche”(1), alors que nous avons des cathédrales, des églises romanes et un fabuleux paysage qui change tous les 100 kilomètres en France? Et que tout cela est bien rôdé et attire “en masse” des visiteurs?” . (1)  Niche= très faible potentiel de visiteurs,  pour les nouveaux lecteurs de ce blog.

DEX15_large– D’accord, mes amis, l’histoire et la nature nous ont bien gâtés. Mais n’oubliez jamais que d’autres pays sont aussi dotés de ces trésors touristiques et patrimoniaux, d’une part, et que toutes les études sérieuses proposent de renouveler l’offre touristique, d’autre part. Renouveler avec d’autres atouts, pour faire front à la concurrence farouche du tourisme mondial et nous  “différencier” en sortant de temps en temps d’une certaine “banalité ” de’ nos offres culturelles. Avec une vraie valeur ajoutée, pour ces itinéraires olfactifs : ils permettent d’associer fortement  les habitants et les touristes à  leur conception et à leur réalisation. Etre associé, participer, proposer, ne plus simplement admirer passivement une offre créée “par en haut” ; ou rencontrer les habitants, leur façon de vivre, voilà des  tendances très fortes du tourisme, aujourd’hui.

Rainy Day Caillebote– Renouveler l’offre culturelle, la première choisie par les touristes étrangers, c’est donc proposer des approches plus originales, plus collaboratives pour mettre en valeur des “identités régionales” qui seraient moins caricaturales qu’actuellement  (Bretagne=Crèpes,Plages et Ports ; ou Corse= Villages perchés,Criques  méditerranéenne et charcuterie, etc…).Bref, diversifier l’offre, la “personnaliser”, pour un nouveau tourisme plus expérientiel  ne peut rester à l’état d’ incantation ( “Les touristes veulent vivre une une expérience!”.) Passer de l’incantation à une vraie proposition, passionnante à mettre en oeuvre, telle est notre proposition dans ce nouveau billet, pour les acteurs du Tourisme et de la Culture.Et pour accompagner notre présentation, nous vous proposons des  oeuvres d’art d’où émanent certaines effluves lorsqu’on les regarde!

Enfants à la merI- KATE MAC LEAN ! Tout a commencé avec une artiste, Kate McLean, designer du Royal College of Art de Londres, qui a missionné, il y a trois ans, des étudiants pour sentir les villes et  créer  un dictionnaire d’odeurs, véritable et premier  “Lexique” de ce type, avec  285 mots couramment utilisés pour décrire les odeurs urbaines.
– Puis des universitaires de Cambridge ont décidé de poursuivre cette recherche  artistique , sous la houlette de Daniele Quercia , de l’Université de Cambridge, qui avait  déjà travaillé sur des “cartes émotionnelles” présentées à la Conférence TED. En résumé : Daniele Quercia et ses équipes  ont  aujourd’hui commencé à  réaliser des Cartes d’odeurs (Smelly Maps) auxquelles  chaque habitant, chercheur ou touriste peut apporter sa contribution.Le dictionnaire des arômes de  Kate Mac Lean a  été croisé avec les mots des  tags et des légendes de photos dans les bases de données des réseaux sociaux.Voici le détail avec les objectifs et la méthode.
II- CARTOGRAPHIER LES ODEURS / objectifs !

L’équipe de  Daniele Quercia  a donc voulu  systématiser le travail de l’artiste, le rationaliser pour  pouvoir, partout dans le monde, “tracer plus rapidement des cartes d’arômes à travers villes et des villes entières, de la puanteur des bouches d’égout et de crottin de cheval aux marchés de fruits parfumés, des gazons fraîchement coupés des parcs  à l’odeur d’ail des rues qui sont remplies de  restaurants”, dit  le Journal en ligne  New Scientist qui nous a servi de guide pour écrire cet article.(Références des  différents articles dans notre “Pour en savoir plus”, ci- dessous).Cet objectif a conduit au choix  d’ une technologie de géolocalisation inhabituelle : des cartes en ligne générées automatiquement, qui  permettent aux universitaires, dans un premier temps, de tracer des routes qui ne sont pas “les plus courtes” mais celles des  odeurs que nous préférons découvrir lors d’une balade, à pied ou en vélo.

pélicans et oiseaux )III- L’APPEL AU TRAVAIL COLLABORATIF/méthode!

La designer Kate McLean avait  déjà fait appel à des bénévoles  des environs de  New York et d’Amsterdam,pour repérer, renseigner et cartographier les odeurs de ces villes.

L’apport des universitaires a considérablement accéléré ce travail manuel et bénévole, assez long à concevoir et à réaliser. Pour raccourcir les délais, D. Quercia et son équipe de  chercheurs ont  décidé d’ajouter à ces bénévoles  tous les producteurs de photos en ligne géolocalisées sur Twitter, Instagram et Flickr. Une simple légende ajoutée par les photographes pouvait suffire, selon eux, à caractériser de nouveaux sites olfactifs et à  les cartographier, comme pour  Londres et à Barcelone. Pour ces deux villes,  (voir les cartes ci-dessous en Annexes), l’équipe universitaire a recueilli les balises géo-référencées d’environ un demi-million de photos Flickr et 35.000 des photos Instagram ainsi que 113 000 tweets. Enfin les données recueillies ont été croisées avec celles du lexique d’odeurs de l’artiste   pour constituer des mots-clés, dit D. Quercia dans le New Scientist. Quels en sont les premiers résultats, en plus de la réalisation des cartes?

IV- UN PREMIER BILAN 

1- LES RÉSEAUX GAGNANTS: Flickr et Instagram sont les deux réseaux qui ont le mieux fonctionné pour la collecte, d’après l’équipe universitaire anglaise, sans doute parce qu’ils ont un sous-titrage par document alors que les tweets mentionnent les odeurs de la ville “en général” plutôt que de façon plus fine, site par site.

2- SAISONNALITÉ DES SENTEURS Les cartes (“smellscape” )d’une ville peuvent être modifiées facilement selon les saisons, pour mentionner les odeurs à différents moments de l’année. Notons pour notre part que cette “saisonnalité” est vraiment très importante. Elle témoigne  des rythmes, de la respiration des villes et des autres espaces, et  elle révèle souvent,  pour chaque saison, des  paysages particuliers : citons l’exemple de l’autoroute Cannes-Marseille en Février, véritable et délicieux concentré du parfum des mimosas, ces arbustes poussant par milliers  sur les bas-côtés de la route. Ou citons aussi les difficultés actuelles de la destination “Lavande” en Provence, attendue par de nombreux touristes, dont les Chinois qui en sont très amateurs. Il y a, pour la “lavande”, un trop-plein d’itinéraires, mais dont très peu signalent les différentes  périodes de la floraison. Déception garantie des visiteurs si les champs, à leur arrivée, “ne sentent rien”….

3- “QUALITÉ DE L’ AIR :  les universitaires ont tenté de croiser leurs données, pour Londres, avec celles des indicateurs de qualité de l’air des Services de  la ville. Le constat est que “les parfums agréables des végétaux, par exemple,  sont totalement supprimés lorsque l’air est pollué“, dit Daniele Quercia, en suggérant que ces résultats seront une nouvelle bonne raison, pour les planificateurs urbains, de mieux gérer la qualité de l’air et diminuer les polluants atmosphériques.

HuîtresCONCLUSION : pourquoi ne pas prendre ces nouvelles directions, riches de promesses, avec une nouvelle offre touristique à la fois très culturelle et très “intime”, celle du sens olfactif? On sait que les agents immobiliers utilisent la puissance de l’odorat pour séduire leurs futurs acheteurs : l’odeur de la cuisson du pain ou de la préparation du café peuvent faire “la différence” pour louer ou vendre une maison, affirment-ils.
De façon plus poétique, dessiner un nouvel itinéraire ” olfactif” avec les habitants peut établir un dialogue basé sur l’émotion que produisent les odeurs (Souvenirs, images, plaisir…). Ce dialogue aura pour cadre un paysage, urbain ou rural, dessiné par de nouvelles “datas”, celles des particularités olfactives. Et les choix seront établis entre  les “habitants ” et  “touristes” collecteurs des parfums”,  tous apportant   leur petite pierre à la construction d’images et d’une offre olfactive intéressante, celle qui signera de façon originale  une destination.
fromages )POUR EN SAVOIR PLUS
1- Le site de l’artiste Kate Mac Lean , très intéressant , évoque la création de son “lexique olfactif” et de ses cartographies et leur méthode de travail collaboratif, c’est ici .
2- L’article général de NewScientist sur cette expérience collaborative les six mois prochains, c’est ICI !

3- Un article sur le rôle de l’odorat et le “Comment  et Pourquoi ?”les odeurs et tous les signes olfactifs règlent  notre vie, façonnent notre humeur, nos comportements et nos décisions.” Pourquoi sont-ils si peu valorisés, par rapport aux deux sens de la vision et de l’ouïe,  seuls jugés comme prioritaires et vitaux?”, s’interroge Lilianne Mujica-Parodi,(Chercheuse en neurobiologie du stress humain à l’Université de Stony Brook à New York) en présentant  les différents constats et apports des  études récentes sur la génétique. D’autres chercheurs dont George Dodd, parfumeur et chercheur sur l’Olfaction à l’Université de Warwick, Royaume-Uni; Hendrick Schifferstein de l’Université de technologie de Delft ; William Overman, de l’Université de Caroline du Nord Wilmington et Jess Porter de l’Université de Californie de Berkeley donnent de très bons exemples de l’influence du sens olfactif sur nos comportements. A lire ICI! 

4- Un article intéressant sur les difficultés que nous éprouvons à “nommer” les parfums que pourtant nous identifions mais pour lesquels notre vocabulaire est souvent en échec : ICI! 
4- Enfin un article du NewScientist “Pourquoi nos villes ne devraient pas perdre leurs odeurs distinctives ?”  par un spécialiste des  ” smellwalks ” (Grand Bazar d’Istanbul puis des centaines de  visites sensorielles dans 15 villes à travers l’Europe et l’Amérique du Nord).Voir l’article ICI.

Sadyat super belle 8KEN LE TOURISTE PARFAIT : Ken prend le frais à Abu Dhabi, sur l’île de Saadiyat, future pierre angulaire des projets ambitieux de l’émirat d’Abu Dhabi pour en faire une destination touristique de premier plan, avec le tourisme culturel comme moteur
Louvre Abu Dhabi de Jean Nouvel, Musée national Zayed en 2016 et Guggenheim Abu Dhabi en 2017…Voilà qui promettait,pensait-il…Il allait raconter tout cela à son ex, Barbie Chérie, et prévoir un petit séjour…

NOS PHOTOS  : Images olfactives, images-souvenirs! 

1- Les Iris de Vincent van Gogh (1853-1890), Huile sur toile, 1889, J. Paul Getty Museum.

2– Les odeurs des Raboteurs de parquets de Gustave Caillebotte,1875, huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris, cadeau des héritiers de Caillebotte par l’intermédiaire d’Auguste Renoir, 1894. © RMN-Grand Palais / Art Resource, National Gallery of Art de Washington, oeuvres en open-data.
3- L’odeur de pluie dans la ville, avec cette  Rue de Paris Un jour de pluie du même artiste, Gustave Caillebotte,    huile sur toile,  1877. Collection ‘Art Institute de Chicago, Charles H. et Mary FS Worcester Collection. Photographie © L’Institut d’art de Chicago
– Venant des photos en open data du Riksjmuseum :
4- Enfants au bord de la mer, Jozef Israëls 1872 huile sur toile, h 48.5cm x 93.5cm
5–  Un pélican et d’autres oiseaux  ‘Le Feather flottant’, de Melchior d ‘Hondecoeter, c. 1680 – huile sur toile, h 159cm x 144cm.

6- Les huîtres  font partie de la  Nature morte avec une Coupe du Gilt, Willem Claesz. Heda, 1635 – huile sur panneau, h 88cm × 113cm.
7–  Nature morte avec fromages, Floris Claesz. van Dijck, c. 1615, huile sur panneau, h 82.2cm x 111.2cm .

ANNEXES

LES DEUX CARTES DES ODEURS DES VILLES  BARCELONE ET LONDRES

 

– Les cartes olfactives  (Smellscapes) produites  par  D.Quercia et son équipe (Université de Cambridge, Royaume-Uni) représentent les odeurs, de Barcelone (en orange et rouge, l’odeur des voitures ; en vert celui des plantes, arbres et  fleurs) et de  Londres (en bleu, les odeurs d’animaux).. (Images: Daniele Quercia). Cartes à retrouver ici. en plus grand format.

Pour construiire des cartes d'odeur

Photo 2 smellfie

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