N’ayez plus peur du mécénat!

Ken et Delacroix

I- POURQUOI LE MÉCÉNAT DOIT-IL SE DÉVELOPPER ET ÉVOLUER?

1- Par nécessité, car les crédits publics sont en forte baisse (On annonce -3% à -15% de baisses pour le patrimoine au ministère ; nous vous tiendrons au courant dès que le budget sera publié). Les autres collectivités publiques, Régions, Départements et Communes,  vont sans aucun doute devoir se recentrer sur les priorités en temps de crise: Précarité/Emploi/Logement/Jeunesse/Santé…et leurs compétences obligatoires  (Sécurité, Social, Transports, Voirie, Routes…).

2- Parce que le mécénat culturel a beaucoup diminué depuis 10 ans, les entreprises lui préférant l’Humanitaire, le Durable, la Santé ou le Sport.

3- Parce qu’il peut exister un mécénat « participatif », avec des contreparties bien plus fédératrices que les sempiternelles affiches en grand format de l’entreprise mécène!

C’est pourquoi nous voulions vous présenter quelques exemples de ce nouveau mécénat, pour vous encourager à vous y intéresser.

II- « N’AYEZ PAS PEUR DU MECENAT CULTUREL!” ! » dit  Marianne Camus-Bouziane, déléguée de l’Admical en Rhône-Alpes et auteur du Guide du mécénat culturel territorial.(Voir son interview du 19 .09.12) . Le constat  de cette experte est le suivant : « Les petites institutions culturelles n’ont pas le personnel dédié à la recherche de fonds. Dans ce cas, si on fait le ratio entre le temps passé à solliciter les mécènes et les montants collectés, le gain financier reste faible. Par ailleurs, la démarche est encore peu professionnalisée et reste très informelle. »Hors grosses institutions, qui sont mécénées par de grosses entreprises, il faut constater en effet que le mécénat de proximité est embryonnaire, en France.  Peu de villes ont un service dédié, ou proposent a minima d’organiser des rencontres entre les entreprises et les projets culturels ou encore de boucler les dossier juridiques. Très peu d’institutions recrutent les compétences nécessaires, leur préférant du personnel scientifique ou un nouveau médiateur.

III- LES FREINS AU MECENAT  : l’absence de compétences, mais aussi  les freins « idéologiques » sont les deux principaux freins au mécénat dans les milieux culturels. “La Culture doit  être financée par le seul secteur public” est encore le credo du secteur public de la culture, qui se méfie des entreprises et du secteur privé ” en général”.  Même si les financements publics,  via les impôts de tous les citoyens, n’ont  pas réussi à élargir la fréquentation à TOUS les publics, à commencer par les plus défavorisés, les appels systématiques aux “dons” des particuliers ou au secteur privé des entreprises sont encore rarissimes par comparaison avec pratiquement tous les autres pays du monde. Les arguments anti-mécénat ont donc pour terreau, en France,  la méfiance de la Culture vis-à-vis des entreprises.

Concrètement, on réseaute en France entre établissements du secteur public, depuis les années 70 (Education nationale ; autres établissements  culturels ; programmes ministériels (Politique de la ville,  Universités, Hôpitaux, Prisons, Handicap…Services de l’Etat, des Départements, des communes…) mais réellement très peu d’objectifs et encore moins de crédits et de personnels sont dédiés à des réseaux avec l’ensemble des salariés des entreprises d’une région ou d’une ville. Le Tourisme culturel est l’exemple parfait de cette difficulté du travail commun, car  l’industrie touristique est composée de 90%  d’entreprises privées de l’Hébergement, du Transport,  de la distribution et des autres activités alternatives à la Culture (Randonnée, cyclotourisme ou tourisme durable, sportif, etc…).Le partenariat entre Culture et Tourisme ne va donc jamais de soi. Encore une exception nationale..

Enfin l’entreprise est par ailleurs encore soupçonnée de « récupération », de vouloir « utiliser » ou « instrumentaliser »la culture. Pour faire vite, « gagner de l’argent et de la notoriété sur le dos de la culture » est une représentation courante des objectifs supposés du  mécénat. Sachant très bien tout cela, les entreprises ne se pressent pas aux portes des projets culturels. Elles trouvent plus simple et plus chaleureux d’accueillir les responsables des projets Solidaires, Durables, Verts, Sportifs, ou les projets tournés vers l’International,  la Jeunesse ou la Santé, qui n’ont pas ces a-priori.

IV- L’AVENIR DU MÉCÉNAT : à notre avis trois nouvelles directions sont incontournables : celle d’une plus grande proximité entre les mécènes et les sites culturels ; celle d’un nouveau mode de financement participatif (Crowdfunding, l’appel de fonds aux internautes, né avec les usages du web) et celle d’une implication des collectivités territoriales plus grande pour organiser le partenariat entre les institutions culturelles et les entreprises.

Les grosses institutions de mécénat actuelles ne peuvent devenir des centres de ressource agiles, au plus près des acteurs. Elles constituent un passage obligé très chronophage  (Rendez-vous, colloques, formations généralistes…) mais sans garantie de résultats : l’Admical, qui a défriché le terrain dès la fin des années 80, avertit sur son site Internet ne jamais  pouvoir accorder d’aide financière et de ne pas effectuer  de recherche de mécènes pour les porteurs de projets. Allons bon! La Fondation du Patrimoine, quant à elle, s’est dotée d’antennes régionales et annonce en 2010, 770 campagnes de mécénat populaire. Le volume des dons faits  à cette Fondation est en forte croissance, puisque plus de 8 millions d’euros ont été récoltés en 2010. Mais d’une part ce mécénat est un « appel au peuple » ponctuel,  sans que ne soient réellement élaborées des relations durables entre les sites culturels et les habitants donateurs; d’autre part ces majors du mécénat ne font  pas de crowdfunding en ligne, se privant de cette nouvelle « force de frappe » qui sollicite la générosité de tous les internautes amateurs, professionnels, individus ou sociétés (Kickstarter, l’une des nombreuses plateformes américaines, a récolté, en 2011,  100 millions de dollars pour 27 000 projets, par exemple). Entre les Fondations qui impulsent des projets culturels de proximité comme la très active Fondation Passions Alsace et nos les « majors » (Admical, Fondation du patrimoine,  Fondation de France…) il existe, à notre avis,  une troisième voie,  qu’André-Yves Portnoff vous présente ici, avec l’exemple de la Fondaco à Venise.

– Même si la Fondaco de Venise est aussi une « major », elle a entrepris des actions de mécénat dans une direction qui privilégie les rapports, dans la durée, entre les élus et services de la ville de Venise, ses  établissements culturels aussi bien municipaux que nationaux, ses habitants, ses entreprises et celles de la région. Patrimoine ou art contemporain, évènements ou Histoire de Venise, nouvelles technologies : la Fondaco n’a pas de préférences, du moment qu’il s’agit d’opérations culturelles. Un modèle à transposer ? Lisons André-Yves!

PATRIMOINE ET ENTREPRISES : UNE DEMONSTRATION VENITIENNE, par André-Yves Portnoff (Extraits de son Article  pour la revue d’octobre 2012 du Centre des jeunes dirigeants, CJD).
Les plus petites entreprises peuvent contribuer à la sauvegarde du patrimoine culturel, pas seulement par vertu, mais pour construire avec d’autres acteurs de leur région, une dynamique créant de la valeur pour tous. Une belle démonstration nous vient de Venise où Enrico Bressan et Giovanna Zabotti ont créé le Fondaco. Ce cabinet privé a pour métier d’orchestrer des synergies entre entreprises et administrations publiques pour rénover des œuvres d’art et des monuments en respectant une éthique rigoureuse: le patrimoine est restauré selon les règles de l’art, sans donner lieu à des exploitations publicitaires abusives, et les entreprises partenaires y retrouvent leur compte grâce à de la communication. Bilan concret, en huit ans, 45 œuvres ont retrouvé leur jeunesse. C’est ce qu’Enrico Bressan nomme restaur-actions, innov-actions. […]
1- Participation d’entrepreneurs régionaux et locaux
Fondaco mobilise des entreprises internationales comme Bulgari ou LVMH, mais le plus original et le plus prometteur, c’est la participation d’entrepreneurs régionaux et locaux. Dans la catégorie « régionale », la famille Buziol, créatrice du groupe Fashion Box-Replay, basé près de Trévise, a rénové la façade du musée-palais Ca’Rezzonico.Replay a profité de l’espace publicitaire alloué sur les échafaudages pour y présenter les œuvres de jeunes artistes régionaux. Ainsi des entrepreneurs éclairés de la Vénétie et des régions avoisinantes s’engagent-ils, avec des contreparties en termes de communication, comme l’exploitation d’un logo conçu chez Philippe Starck, tête de lion vénitien surmontée de l’inscription «…near Venezia ». De plus, Il Sole 24 Ore, principal quotidien économique italien, a institué un prix annuel des imprenditori illuminati.

Ae Oche, une Pizzeria de Venise...

2- Mécénat de quartier – Encore plus près du terrain, un club des Vénitiens pour Venise géré par Fondaco rassemble aussi bien des PME que des artisans et des négociants. La famille Marsilli, qui possède deux restaurants, a pris en charge trois ans de travaux pour rénover au Palais ducal sept cheminées sculptées par les frères Lombardo au XVIe siècle dans les appartements des doges. Une recherche sur la gastronomie a été conduite parallèlement dans des bibliothèques vénitiennes, ce qui a permis aux Marsilli de proposer sur leurs menus des gnocchis au chapon et autres plats du XIIIe siècle. Au total, dans ce mécénat de proximité, sept restaurateurs, boulangers, commerçants, PME, ont adopté des puits, des statues et autres œuvres.[…]. Le modèle vénitien peut s’exporter, puisqu’un Fondaco s’est créé à Rome, avec de premières réalisations au printemps dernier. Ainsi le patrimoine est préservé alors que les fonds publics sont de plus en plus rares en Europe, par négligence, mauvaise gouvernance, ou en raison de la crise.

Lancement de la wifi en 2007 (Fondaco)

3- Les citoyens-entrepreneurs : le plus prometteur, c’est l’impulsion d’une nouvelle dynamique au travers de réseaux, de partenariats. La fierté de vivre et travailler dans le territoire en est renforcée. Des citoyens-entrepreneurs adoptent leur environnement sans accaparer le bien public, nuance essentielle. Enrico Bressan rappelle que le monde de la publicité est « agressif et sauvage », il ne s’agit en aucun cas de franchir la ligne rouge qui sépare le mécénat de la marchandisation à outrance de la culture, à un moment où les affairistes ultra-libéraux voudraient tout privatiser…sauf les déficits. Et en même temps, pour que des coopérations durent et fassent de nombreux émules, il faut dépasser l’acte, certes respectable, de l’entrepreneur généreux n’attendant d’autre contrepartie qu’une satisfaction personnelle.[…] La solution est de bâtir un système de collaborations gagnants-gagnants entre patrimoine culturel, acteurs du tourisme, écoles, associations, entrepreneurs du terroir. Tout le monde y gagne. Les entrepreneurs qui s’engagent ainsi observent que les salariés, s’ils sont associés, sont fiers de l’action de leur société et deviennent avec elle, ainsi que leurs familles, des ambassadeurs du patrimoine auprès des clients et fournisseurs.

Exposition de jeunes artistes sur les murs de Venise (Fondaco)

Fondaco organise des visites d’élèves, d’étudiants, accompagne des artisans dans des musées concernant directement leur métier et où ils n’avaient pas mis les pieds jusque-là. […]Pour dépasser le stade des actions isolées et créer plus de dynamiques territoriales, il convient de professionnaliser l’orchestration de synergies entre acteurs publics et privés. Ce qui est en train de réussir autour de Venise apporte une riche expérience à exploiter en France.
– Sur le sujet : le site de Fondaco ;  Les enjeux du tourisme culturel en France,  par Evelyne Lehalle, Futuribles n° 387, juillet 2012; le rapport Atout France par A-Y Portnoff et al. et “Inventons lesmusées et les régions web 20» dans la revue Archimag.

André-Yves PORTNOFF, Futuribles . Consultant, il est aussi Professeur associé à la Haute Ecole de Gestion de Fribourg.

Lire le texte complet Mécénat Venise André-Yves Portnoff.

Sur le site My Major Company, le Museum of Everything!

IV- DES LIENS UTILES
Se former avec Fundraiser pour comprendre les donateurs (et les non-donateurs), l’environnement juridique et fiscal, l’évolution des techniques.Quelques sites de crowdfunding : design , livres musique , souvent trop fourre-tout comme Babeldoor ou Ulule ou Touscoprod . Pourtant Emilie Lamoine,  une réalisatrice,  a récolté près de 7 500 euros pour son film, Nevers, un road-movie dans la campagne française, grâce au crowdfunding.  Après trois refus de l’avance sur recettes du CNC et face à l’impossibilité de financer son film via les régions sans cette avance, elle s’était inscrite sur un site de crowdfunding et a réussi ! My Major Company, qui fait aussi une opération, depuis quelques jours,pour The Museum of Everything conduite par Marc Olivier Wahler, propose  également à votre générosité le pont levis du Mont-Saint-Michel .

Comment déposer un projet , par exemple chez Réservoirfund – Quelques sites de mécénat dédié aux entreprises :  pour Marseille 2013 , pour Bordeaux.

Ken et Edward Hopper

V-KEN LE TOURISTE PARFAIT était devenu mécène. « Comment mieux placer sa fortune, en échappant au fisc ? » disait-il à Barbie Chérie au téléphone en poireautant dans son aéroport. En fait, ce n’était pas vraiment pour cela. Vous qui suivez ses aventures, vous connaissez son job de Touriste Parfait, soit, en gros,  voyager partout dans le monde entier, diriger ses multiples entreprises à la perfection afin que les bénéfices lui permettent de gâter Barbie et laisser sur son passage, dans les hôtels de luxe ou en classe Affaire Boing, un maximum de retombées économiques. Et là, même avec les cadeaux de Noël à l’horizon, il avait tellement d’économies qu’il allait finir par se retrouver sur le tableau des milliardaires de Forbes…Son gros problème, c’était « Comment dépenser tout cela ? », puisqu’ il n’avait pas une minute à lui. Le mécénat était une bonne action, se dit-il avant de filer sur Kickstarter. En un clic il régla les questions d’argent des trois jolies danseuses pour leur festival, à Jersey…
Nos Photos, en haut : Exposition “Delacroix et l’aube de l’orientalisme”, du 30 sept. au 7 janvier 2013, au Château de Chantilly. www.chateaudechantilly.com
Et en bas : exposition  Eward Hopper, qui aura lieu  du 10 octobre au 28 janvier au  Grand Palais. Ici, Ken, sans surprise, est avec la  GirlyShow de 1941…

1 Commentaire

    • William sur 21 septembre 2012 à 13 h 52 min

    Comme d’habitude le blog d’Evelyne est lumineux !!!

    William

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