La “datafication” du monde

Ken chez les GoogleI- « L’humanité a produit environ 1,3 milliard de Go de données numériques en 2010, soit plus que la totalité des informations produites par l’Homme entre la préhistoire et 2003. » déclarait Jeff Jonas, directeur scientifique à IBM  en 2011.  Ces Big Data  augmenteraient aussi de 40% entre 2011 et 2020, prévoyaient les Mc Kinsey.
La course a donc commencé! Et avec elle nos angoisses, nos questions : sommes-nous tous repérés, observés, en permanence?
Avant de vous présenter des exemples de ce que le Big Data pourrait apporter au Tourisme Culturel, constatons que, pour l’instant, c’est surtout le Tourisme mondial, toujours à la recherche d’anticipation, de plus values et l’œil rivé sur les pays concurrents, qui a pris la question très au sérieux. En témoignent de nombreuses publications et dossiers spéciaux sur le sujet, sur les sites professionnels (Rézotour ) , ou encore lors de la dernière publication de la Revue Espaces sur le sujet, qui apporte de très bons exemples concrets sur l’utilisation des données produites.
Enfin nous avons aussi fait appel, pour vous présenter ces Big Data, au meilleur blog traitant du numérique pour le secteur touristique : Etourisme-info. Merci Philippe! 
La Culture, comme nous le verrons la semaine prochaine, semble moins pressée de faire appel à ces Big Data, car elle est surtout préoccupée par l’Open data, c’est-à-dire l’obligation d’ouvrir des données publiques depuis 2005.  La Culture avance donc  à pas de fourmi, nous verrons aussi pourquoi.
00A00COUV316II- DÉFINITION DES BIG DATA
Le ou les Big Data , c’est le flux permanent des données produites en continu sur Internet, provenant de sources multiples (Administrations et institutions, systèmes et réseaux sociaux, blogs et  forums ou sites Internet, entreprises ou Universités…) et des traces que nous laissons un peu partout : sur Internet quand nous visitons des sites, des réseaux sociaux mais aussi avec nos smarthphones ou téléphones, cartes bancaires ou de fidélité, et de plus en plus, avec les objets connectés.
Le big data est donc une quantité gigantesque de données (volume) publiée en continu (vitesse) dans des formats structurés (une grille tarifaire par exemple) ou non (des commentaires sur les réseaux sociaux par exemple), en provenance de sources diverses (variété) et dont la légitimité et la qualité ne sont pas toujours vérifiées (véracité), résume Patrice Poiraud, Directeur de l’initiative Big Data Analytics à IBM France. Comment valoriser ces données ? est donc la grande question des professionnels des data, mais aussi la vôtre.
Un petit moyen mnémotechnique, pour vous en rappeler ? Voici les 5 V des big data :

– Volume
– Vitesse (flux)
– Variabilité (hétérogénéité des données),
– Véracité (les données sont-elles exactes et de qualité?),
– Valeur (quelle valorisation pour ces données?)
Ces données, qu’elles soient déjà structurées ou non, sont donc très hétérogènes puisqu’elles elles n’ont ni les mêmes méthodes de récolement ni les mêmes objectifs d’utilisation. En fait, il s’agit bien de traiter ces données pour les réutiliser : y avoir accès, les choisir, les capter, les enregistrer, les analyser, les stocker, certes, mais avec l’objectif d’ en créer de nouvelles et de revisiter d’anciens process : l’observation touristique, par exemple, est en train de se transformer complètement avec l’utilisation de ces données, car elles permettent aussi de prévoir et d’anticiper de nombreux développements du tourisme , ce que ne permettait pas les enquêtes traditionnelles ( Voir nos exemples au § IV).
Des sociétés sont nées ces dernières années, spécialisées dans l’analyse,  la gestion et/ou  la commercialisation  des données.  Elles sont expertes en particulier pour savoir quelles questions on peut poser à ces données, ce que l’on peut en faire.
51yC1W4padL._III- LES TROIS GROUPES DES BIG DATA du Tourisme d’après le dossier de Rézotour
a) Des données référentielles Il s’agit, par exemple, de l’information géographique (topographie, éléments de voirie, points d’intérêt…), des référentiels administratifs (découpages administratifs, normes, listes d’infrastructures et des acteurs économiques. Ce type de données fait la joie des créateurs d’applications mobiles, très utiles comme par exemple Handimap.org, qui permet de calculer les itinéraires pour personnes à mobilité réduite grâce à l’ouverture des données sur les positions et hauteurs de trottoirs.

b)Des données opérationnelles. Ces données sont celles de l’action publique et de l’activité touristique sur le territoire au quotidien. Par les flux d’information continue concernant les transports, la fréquentation des lieux touristiques, l’agenda des fêtes et manifestations, la qualité environnementale. Exemples :des indicateurs budgétaires à jour ; l’état des dépenses par projet ; les volumes de subventions accordées par acteur… Ces données évoluent en permanence et sont au cœur du mouvement open data, pouvant donner lieu à des usages stratégiques.

c) Des données transactionnelles. Ces données sont le résultat d’un flux continu de “traces” personnelles laissées par l’utilisation des services en ligne. On trouve dans cette catégorie, par exemple, les informations concernant l’usage d’un horodateur de stationnement public, les relevés de consommation d’eau, les données des trajets en transport en commun ou de vélos en libre-service, les parcours et requêtes des internautes sur un site web…
Pour le moment, ces données font défaut dans la majeure partie des démarches open data en Europe, dit Rezotour.Il faut en effet capter en mobilité, en tous lieux et en temps réel (tracking), tout en veillant à la protection de la vie privée. En tous cas ces données sont les plus sensibles, car elles terrorisent quasiment les citoyens qui ne supportent pas qu’on les observent, que l’on mémorise leurs traces et pire, que l’on s’en serve et que, en plus,  cela se monnaye et rapporte gros à ceux qui nous traquent.

IV- SIX EXEMPLES CONCRETS POUR MIEUX COMPRENDRE LES BIG DATA!
L’industrie touristique commence a avoir des résultats probants, alors voici six exemples d’expériences récentes.
1) Le Tranquilien, voyagez assis ! (source : etourisme.info)
Philippe Fabry nous décrit cette application et son « sens » dans etourisme-info :
– Issue d’un partenariat entre SNCF et la jeune société Snips, l’application Tranquilien a pour objectif de vous aider à choisir le train sur le réseau Transilien qui vous permettra de voyager plus confortablement, c’est-à-dire assis ! Sachant que trois millions de franciliens sont de potentiels utilisateurs, à raison d’une moyenne de 72mn de trajet quotidien, on imagine le service rendu.
– Tranquilien se base sur trois éléments pour fonctionner :
. les données de la SNCF, bien évidemment, qui permettent d’avoir les horaires des trains,
.les données de  l’open data, avec notamment les densités de population autour d’une gare, l’attractivité de la ville concernée, le jour et l’heure, la météo
. l’enrichissement par les utilisateurs eux-mêmes qui ont la possibilité d’infirmer ou confirmer le diagnostic de Tranquilien sur un train
Un exemple où nous retrouvons donc les data de l’entreprise elle même, ici la SNCF, combinée avec celles de l’Open Data, et enrichies par les utilisateurs eux-mêmes, ce qui assure aussi une évolution en fonction de celles du contexte.
Philippe Fabry parle de l’objectif,celui de « donner du sens » aux données, qui peut se traduire par une meilleure observation et connaissance des clientèles, des usages et des modes de consommation et bien entendu par une amélioration ou optimisation des ventes et des revenus des professionnels du tourisme.
2)Kayak n’est pas simplement un comparateur de prix, mais peut aussi, en utilisant les big data et des modèles prévisionnels, faire des prévisions sur les prix à venir (aide à la décision).
3) Le département des Bouches-du-Rhône et celui des Alpes–Maritimes ont développé un nouvel outil d’observation en exploitant les données collectées par le réseau de téléphonie mobile pour mieux mesurer la fréquentation touristique (Opérateurs : Orange, avec son offre big data Flux Vision Tourisme. Orange affirme « anonymiser » les données avant de les commercialiser. 
4) Le CRT Côte d’Azur prévoit aussi la fréquentation des saisons à venir grâce aux données des réservations aériennes (GDS (Global Distribution Systems) et Forwardkeys comme opérateur). http://www.tourmag.com/Le-CRT-Cote-d-Azur-et-Orange-mesurent-les-flux-touristiques-par-mobile_a59941.html
5) Enfin une veille sur les réseaux sociaux permet aux pros du tourisme d’en analyser les contenus et  d’intervenir ou d’interagir avec les internautes de ces réseaux. Où s’expriment les consommateurs ? Quelles sont les discussions du moment ? Comment les internautes parlent-ils des territoires ou des produits ? Quels sont leurs centres d’intérêt, leurs attentes ? Les pros du tourisme Bouches du Rhône et de la Côte d’Azur interagissent en temps réel avec les internautes du monde entier (Ff.l’étude de Synthésio présenté dans l’article etourisme info sur les sites d’intérêt touristiques vus par les réseaux sociaux  . Au final, on crée donc une nouvelle base de données, qui agrège « à la fois les données sur les clients, les informations géographiques, transactionnelles voire comportementales et sociales. Pour le Tourisme, l’objectif est de développer un “smart marketing” : profiter de « données » globales, les croiser avec celles de la proximité et adapter des offres « sur mesure » aux visiteurs.

51GCT0UIteL._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_SX385_SY500_CR,0,0,385,500_SH20_OU08_6) AMSTERDAM « OBSERVE » EN PERMANENCE LES TOURISTES à l’échelle de la métropole. Amsterdam Marketing a été chargé par la ville de gérer un système d’aide à la décision à partir de l’observation touristique. Olivier Ponti relate cette expérience dans la Revue Espaces ; une expérimentation qui croise des techniques classiques d’observation (enquêtes auprès des visiteurs) avec de nombreuses données des outils en ligne. Pour les « traces » numériques, Amsterdam se focalise sur celles laissées sur ses propres outils.

 

 

7) La Mercè de Barcelona, premier Festival (Musique, théâtre, danse…) à utiliser les Big data en Europe!  Voir la vidéo, où Lluis Sanz Marco, Directeur de l’Information, présente les objectifs de la Ville ; l’intérêt est de mieux servir les habitants lors d’une immense manifestation touristique, en  tenant compte des comportements des 2 millions de visiteurs du festival de la Mercè:

POUR EN SAVOIR PLUS
– Blog etourisme.info, le plus culturel des blogs sur le numérique ;
– Revue Espaces, Numéro Spécial sur les Big Data de janvier 2014, N° 316.

– L’Echo touristique, Comment Tourinflux va mettre le big data au service du tourisme
– Le Commissariat Général à la stratégie et à la prospective-Analyse des bigdata – Quels usages, quels défis ?- Note d’analyse No 86 11/2013- Marie-Pierre Hamel et David Marguerit, département Questions sociales (11 pages)

ET DEUX OUVRAGES : 1-  Big data,  A revolution that will transform how we live, work and think, de Victor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier-Ed.Houghton Mifflin Harcourt,242p.
2- Smart Cities – Big Data, Civic hackers and the quest for a new utopia, par Anthony Townsend-Ed.Norton,400 pages.

-A relire : Les élites débordées par le numérique : gouvernants, syndicats, énarques, patrons…sont déstabilisés  et déconnectés des  nouvelles pratiques numériques. Internet rebat les cartes du pouvoir, bouleverse l’ordre établi et peut devenir un contre-pouvoir. (Le Monde “Culture §Idées, 28 déc.2013).
Ken et le processeur quantiqueKEN LE TOURISTE PARFAIT Après deux jours au  Qatar, Ken avait fait un saut au Japon avant de rentrer dans ses pénates, à L.A., USA. Au bord de la piscine, Ken avait apporté son drink à son ex, Barbie Chérie,  tout en téléphonant en Belgique (Europe) “Que voulez-vous, la vie de touriste parfait a son lot d’avantages”, expliquait-il à la conservatrice. Mais aussi ses inconvénients, ajouterai-je :  d’avion en palaces et de bureaux en réunions privées pour ses affaires, Ken ne comprenait plus le système. « Vous venez et je vous explique TOUT ? », lui répondit la conservatrice. “Ok, répondit Ken car là je doute, je suis perdu : de quoi ma vie est-elle faite? “.
Mais qui est cette conservatrice, brûlez-vous de savoir… Celle d’un nouveau musée, collaboratif et participatif, qui a décidé de s’attaquer au hard : expliquer le Capitalisme. Eh oui, un nouveau musée est né, le Musée du Capitalisme,  et fait appel à vous si vous voulez apporter vos connaissances sur le sujet, avant juin prochain. Rejoignez la conservatrice et Ken pour donner un sens à votre vie, comprendre, enfin! C’est ici  !

La semaine prochaine : Open Data : la Culture est-elle prête à ouvrir ses données?

Photos : en haut, Ken se balade dans le réseau souterrain du centre de données de Google du Comté de Douglas, en Géorgie, USA…(in Article “Internet, Opium du peuple?” de Beaux Arts magazine mars 2014). En bas, il se pavane devant un processeur quantique de 6,25 millimètres carrés qui a permis d’utiliser un algorithme de factorisation des nombres entiers, connu sous le nom d’algorithme de Shor. (La Recherche, N° 495 de mars 2014).

NOTRE DOKA!

En 60 secondes, dans le monde …204 millions de mails sont échangés; 571 nouveaux sites Internet sont créés, 20 000 photos placées sur tumblr, 278 000 tweets, mais aussi 2 millions de requêtes sur le moteur de recherche de Google, 83 000 $ dépensés sur Amazon, etc…Voir le schéma:Et un dernier petit conseil!

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6 pings

  1. […]   […]

  2. […] Culturel,voir ses articles sur le sujet – Les articles du blog NTC  sur le sujet des Big Data, La « datafication » du monde et, pour l’Open Data, voir l’article Les Hackteurs de la Culture  . • 10h30 / 11h30 […]

  3. […] en ont à disposition et peuvent en profiter. Nous avions présenté les enjeux de la « datafication du monde  » en février dernier, et aujourd’hui nous résumerons un récent rapport paru en […]

  4. […] Relire nos articles sur l’usage des Big Data : Les data, tendances 2016  et   Les data, la création et la personnalisation . Relire la définition des data, les stratégies, avec le billet sur  « la datafication du monde ». […]

  5. […] évidemment nos anciens articles sur ce petit blog! En 2014, La datafication du monde; en 2015 Les data, la création et le parsonnalisation et en 2016 Les data, tendances 2016 où nous […]

  6. […] sur ce petit blog :  ♥Utiliser, remixer et partager les collections publiques (2017) ♥La « datafication » du monde  ♥Big Data et tourisme culturel, en novembre 2017 ♥Les Data, tendances 2016!            […]

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