Réinventons nos festivals ! Pas facile, mais tel est le souhait de Jan Goossens, Directeur du Festival de Marseille , dans le Journal Libération du 26 août, qui nous explique pourquoi, à son avis, il faut que nos festivals européens évoluent. Pour résumer : tout va bien pour nos festivals …Et pourtant ils se ressemblent trop!Ils ne sont plus assez humains et ont perdu de vue leurs territoires. Est-ce la fin de la convivialité entre un festival, ses artistes, un territoire, ses habitants et leur(s) histoire(s) à partager? Voyons cela de plus près, mes amis!(Ci-contre: Affiche du Festival Dream City de Tunis, Art et lien social- 2015).
Tout va bien…
Les Festivals marchent très bien, au sens le succès est au rendez-vous ; le prestige des créations artistiques est récompensé, les élus sont ravis par la notoriété, l’attractivité et donc la visibilité qu’ils apportent à un territoire, ainsi que par les retombées pour les festivals importants. Les bilans seront sans doute excellents pour les chiffres de la fréquentation de l’été 2018 et pour les artistes de toutes les disciplines, comme le Cinéma, le Théâtre, la Musique,ou la Danse !
Bref, tous les VIP sont contents : « A Bruxelles, Vienne, Amsterdam, Avignon ou Berlin, les premières mondiales des grands noms de la création contemporaine se succèdent, la presse en parle abondamment, les VIP comme le grand public se retrouvent nombreux sur des sites de plein air enchanteurs ou dans des salles locales réputées »écrit
Jan Goossens, que je citerai avec des mots en italique dans ce billet.
I – POURQUOI LES FESTIVALS SE RESSEMBLENT-ILS TOUS ? Des « normes » font que les festivals commencent à tous se ressembler, en France et en Europe. Pas des normes techniques, ou adminsitratives, et financières, mais des normes dans leurs programmations artistiques. Précisément là où l’on attendrait plutôt de la différence entre eux, ils nous proposent trop souvent les mêmes auteurs ou font appel aux mêmes musiciens, chefs d’orchestre, à des metteurs en scène ou des acteurs brillants et appréciés du milieu professionnel et des programmations «exigeantes».Jan Gossens évoque surtout le résultat, qui conduit à une uniformité : « On coule l’uniformité internationale dans le moule des artistes que tous ensemble nous coproduisons : aussi les festivals finissent-ils par se réduire à des marchés de la création internationale en tournée », écrit Jan Goossens.
– Des Festivals hors -sol! Jan Goossen reproche surtout aux Festivals d’avoir, peu à peu, perdu le lien avec les habitants du territoire où ils ont lieu. Le sens de la fête et de la convivialité est pourtant, historiquement, ce qui les avaient fait naître et grandir, quand , par exemple, Jean Vilar s’appuyait sur les « forces vives », comme on disait à l’époque, celles qui avaient envie de se rassembler autour d’un spectacle et de le partager avec d’autres- experts ou simples amateurs – venus de la région et du monde entier.
- Avignon fut donc longtemps un modèle, d’autant que le lieu était aussi, comme Cannes, le rendez-vous des professionnels et des artistes ou des partis politiques et syndicats qui voulaient changer le monde! Bref, un Festival enrichissait son territoire par des liens, alors qu’aujourd’hui, c’est vrai que l’on évoque davantage les « retombées économiques » que le développement de liens humains retrouvés. .
En conclusion « Des signaux clairs montrent que l’actuel modèle festivalier européen s’essouffle(…)Les publics vieillissent et ne se diversifient pas, les programmations deviennent interchangeables, détachées des contextes des villes, et les pouvoirs publics instrumentalisent facilement les événements culturels”.
II- TOURISTES, ARTISTES, HABITANTS, des liens rompus ? « Des ovnis : c’est souvent en ces termes que des festivals sont décrits par les populations locales qui n’y participent pas – dans la lignée de la liste interminable des biennales d’arts plastiques déployées de par le monde. Bien entendu, ce commentaire a un accent populiste : il est impossible de toucher tout le monde ».
– Pourquoi la Culture ne devrait-elle jamais perdre de vue le lien avec les habitants ? Vous savez comment nous insistons régulièrement, sur ce petit blog, sur le lien nécessaire entre habitants et touristes, plus exactement sur le fait que les Touristes culturels deviennent très exigeants et ne veulent plus seulement visiter un pays, aller à un festival, le consommer passivement, mais ils veulent comprendre ce pays, ce Festival, qui l’a fait, qui sont ses artistes. Très largement, les touristes vont préférer vivre une expérience, faire des rencontres chez ou avec les habitants, éprouver l’énergie créative d’un site, plutôt que d’être « hors sol ».Car, faity-il le rappeler aussi, les touristes sont des gens comme les autres, comme vous et moi, puisque leur définition est un espace/temps: “Toute personne passant une nuitée au plus hors de son domicile habituel” (Définition de l’OMT, Organisation mondiale du Tourisme.).
UN CONTRE EXEMPLE : la visite et balade culturelles !
Si les Festivals se sont éloignés des habitants, depuis une dizaine d’année, au point qu’il pourraient s’en passer et n’avoir que des spectateurs étrangers ou venant de loin, il existe une pratique qui a fait exactement le chemin inverse, en se rapprochant le plus possible des habitants . Il s’agit des balades culturelles. Une nouvelle forme de visite, au plus près des habitants, a vu le jour. On l’a encore vu cet été en lisant les centaines de propositions de nos Offices de Tourisme ou de sur Airbnb et ses « expériences » : on nous propose, de plus en plus de :
– visiter « avec un local » comme, par exemple, avec un Greeters, cet
– visiter « autrement et sortir des « sentiers battus » du tourisme habituel pour faire des visites « insolites », voir du « jamais vu » par… les autres touristes! Car vous, vous n’êtes pas un touriste! Notre petit blog regorge de cette très intéressante tendance du tourisme culturel : passer du spectacle (un Festival ou une expo, un parcours historique) au vivre et comprendre ensemble, entre touristes et entre touristes et habitants ! Il y avait déjà le partage de maisons (Airbnb) , voitures (Blablacar) , de repas, voici le partage entre Touristes et Habitants(Greeters) , très culturel, au sens de la culture immmatérielle : partageons nos façons de faire, de vivre, de penser, d’habiter!Partageons nos expériencesn, dit Airbnb !
Bref, même si nous sommes encore bien loin du « militantisme” et de l’engagement social, du rassemblement citoyen, du soutien des démocraties évoquées par Jan Goossens, nous constatons un premier désir de se rapprocher et d’échanger, de comprendre et de “faire ensemble” , et c’est déjà un grand pas!
III- UN FESTIVAL DOIT DEVENIR UN MOMENT PARTICULIER, à la fois « moteurs avant-gardistes de la création et de l’émancipation citoyenne », comme dit .Jan Goossens, qui a trouvé d’excellent « nouveaux modèles de Festivals” reste optimiste : Forts de leur riche histoire, de leur énorme visibilité médiatique et de leurs larges publics, de nombreux festivals européens pourraient se révéler sous un angle artistiquement et politiquement plus courageux, indiscipliné, et réellement novateur
- Si de nombreux Festivals ont encore cette fibre à la fois créatrice, innovante avec un engagement social très fort, aujourd’hui une forme de « mondialisation » obligatoire emporte tout particularisme local, qui semble ringard : « Plus on est global, mieux c’est. Quitte à perdre tout enracinement local, tout lien avec la ville. »
– Ne nous trompons pas et sachons reconnaitre les « bienfaits de la mondialisation culturelle » : large visibilité pour les artistes ; nouveaux horizons pour des spectateurs avides de connaitre les créations étrangères, « Mais on ne dépasse guère l’idée du fancy international shopping ». De plus, ces événements sont moins « exceptionnels puisque les théâtres programment toute l’année des spectacles internationaux. Or, dans un paysage scénique où, dans les grandes capitales européennes, beaucoup de théâtres programment déjà toute l’année des œuvres internationales, on peut s’interroger sur la nécessité de chercher une nouvelle spécificité pour les festivals, qui leur permettrait de renouer avec leur mission émancipatrice initiale.
EN CONCLUSION Certes, le modèle de festivals imprégnés d’humanité et qui produisent du lien entre habitants existent encore, et en particulier dans les régions fortement identitaires, comme la Bretagne ou le Nord, la Corse ou les DOM TOM. Mais souvent, ailleurs, ils « survivent ».
Terminons sur une notre plus gaie, avec par les belles questions de Jan Goossens, directeur du festival de Marseille , qui, à mon avis, a le cœur taillé pour Marseille. Lors de la présentation de l’ ’édition 2018 du Festival de Marseille il renouvela son souhait : mettre toute une ville en mouvement, en route vers un avenir partagé, un avenir plein d’amour. Voici les belles questions :
– Comment faire émerger des créations nouvelles, qui ne considèrent pas nos grandes villes multiculturelles et leurs populations comme un décor ou un public potentiel, mais qui les envisagent sérieusement en tant que matière et sujet de création ?
– Comment créer des conditions, des méthodologies et une économie qui permettent aux artistes de s’imprégner d’un territoire, en profondeur, sur un long terme et d’en nourrir leur travail ?
– Comment la production internationale que nous programmons peut-elle dialoguer avec ces «créations contextuelles», et mobiliser de nouveaux publics ?
Et terminons ce billet avec, les modèles de bons exemples de Festivals qui associent les populations locales, exemples que nous propose Jan Goossens :
– En Tunisie, à Tunis, une méthodologie a été inventée dans le cadre de Dream City pour permettre aux artistes d’intégrer leurs pratiques dans la réalité de la ville.
– A Cap Town , Infecting the City, c’est la ville contaminée par de nouvelles pratiques et contenus.
– A Bamako, le tout jeune festival Les Praticables voit le plus ancien quartier de la ville comme plus qu’un décor : il devient le sujet, ses habitants les acteurs.
– Et à Ramallah, Under Construction invente un narratif culturel pour une société sous occupation. Autrement dit, il existe des initiatives indépendantes qui misent radicalement sur des créations contextuelles, des échanges entre artistes et villes, et la mobilisation de nouveaux publics dans des rangs qui ne sont pas contrôlés par l’establishment politique. Ces initiatives, c’est en dehors de l’Europe qu’on les trouve. Et si nous en prenions de la graine ?, conclut l’article avec énergie ! -Et un petit dernier pour la route, proposé par mon amie Sylvie Huron, le Hellfest ! Mention Spéciale pour ce festival Hellfest (métal) qui se tient tous les ans à Clisson (Pour mes amis canadiens: petite ville de 7000 habitants, dans l’ouest de la France dans la région des Pays de la Loire) et a été créé par un clissonnais, Benjamin Barbaux. Hellfest fait la part t belle à ds intitiatives locales : Bar à Muscadet (le vin local), visites du site avec des bénévoles (locaux, ils adorent y participer depuis le début du festival, qu’ils soiet fans de “métal” ou non…). Un beau succès, de la convivialité , alors que le thème du festival aurait pu ëtre mal accepté par la population, nous dit aussi Sylvie Huron. Et merci Sylvie pour cet excellent exemple!A voir ici sur Facebook et bien sûr il y a un site Internet. - Un grand merci à Jan Goossens pour cet article et merci aussi à mon ami Gilbert Ceccaldi pour me l’avoir transmis et fait découvrir la semaine dernière!
- Et vous, mes amis, comment voyez-vous l’avenir des Festivals, aujourd’hui? Dites-le nous, partageons nos idées! Merci de commenter, vos avis sont toujours intéressants!
POUR EN SAVOIR PLUS :
– QUI EST JAN GOSSENS ? Né en 1971, Jan Goossens étudie la littérature et la philosophie en Belgique et à Londres. En 2001, il est nommé à la tête du Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles, où il a commencé à tavaillé en 1991, théâtre installé provisoirement à Molenbeek, quartier multiculturel de Bruxelles. Il réinvente les missions de l’institution flamande en l’orientant vers la création contemporaine, multilingue et pluridisciplinaire. En 2004, le KVS a un public renouvelé et un projet profondément attaché au dialogue citoyen ouvert sur la ville et le Monde.En mai 2015Jan Goossens devient directeur artistique du Festival de Marseille, puis Directeur le 31 juillet 2016.Source : Festival de Marseille
1- Un petit point d’histoire, quand les Festivals étaient des lieux de création et d’émancipation sociale (Sans remonter au Moyen-âge ou au théâtre Grec !)
« Qu’il s’agisse des grands festivals européens qui ont vu le jour dans l’immédiat après-guerre, tel que le Holland Festival ou le Festival d’Avignon, ou de projets plus récents comme le Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles : leur vocation initiale était empreinte d’une portée émancipatrice. Artistique mais aussi sociale. Il s’agissait de contribuer à une société plus équitable et plus démocratique. Qu’on parle d’une Europe déchirée d’après 1945 ou d’une Bruxelles tiraillée à l’extrême en 1990, quand néerlandophones et francophones cohabitaient sur le pied de guerre : là où il y avait crise et fractionnement, lesdits festivals ont joué un rôle clé dans la création d’espaces de solidarité et de dialogue. » écrit Jan Goossens dans so article.
– A Lire aussi :interview de Vincent Carry,Fondateur d’Arty Farty, association créatrice des Nuits sonores à Lyon et conseiller artistique à la Gaîté Lyrique, autour de l’avenir des festivals, des médias et de la troisième édition des Nuits sonores à Tanger, et une autre interview de Vincent Carry sur sont parcours .
- L’article de Libé qui nos a inspiré! http://www.liberation.fr/debats/2018/08/26/reinventons-nos-festivals_1674625
NOS PHOTOS : Festivals de Ramallah entre Flandres etRamallah : , Under Construction se base sur la réciprocité et vise à promouvoir la coopération culturelle, le dialogue et les échangesUnder- Construction : les eux organismes Connexion vzw (Bruxelles) et Fondation AMQattan insistent sur la coopération flamande-palestinienne dans le domaine des arts et de la culture.Voir ici : /#
– Plusieurs directeurs de grandes manifestations culturelles appellent à plus de dialogue et d’ancrage territorial . Avec les contributions d’ Olivier PY, Pour le Festival d’Avignon , Bernard Foccroulle , Pour le Festival d’Aix-en-Provence , Sam Stourdzé , Pour les Rencontres de la photographie d’Arles et Jan Goossens, Pour le Festival de Marseille — 28 juillet 2016 à 19:31
http://www.liberation.fr/debats/2016/07/28/des-festivals-exceptionnels-et-graves_1469157 - – FESTIVAL DE MARSEILLE https://www.facebook.com/FestivaldeMarseille/
DIRECTION JAN GOOSSENS
17, rue de la République- 13002 Marseille – France – +33 (0)4 91 99 00 20- info@festivaldemarseille.com festivaldemarseille.com- #FestivaldeMarseille
– LA MINISTRE A DIT! Si 2000 festivals ont été dénombrés par le ministère de la culture, on peut tripler ce chiffre facilement en y ajoutant des petits Festivals ou des Festivals amateurs qui ne demandent qu’à grandir. Mais de vraies menaces existent, dont l’arrivée de gros opérateurs comme Live Nation, véritables « industriels » internationaux du secteur. La ministre de la Culture Françoise Nyssen, a nommé Serge Kancel référent permanent pour régler, en particulier, ces problèmes liées à cette nouvelle concurrence et pour assurer une veille sur tout le secteur.(20 juillet dernier , lors du Festival des Vieilles Charrues de Carhaix),
– Quelle sera la politique de Françoise Nyssen à l’égard des Festivals ? Un article de la Gazette des Commune, toujours excellente !
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KEN LE TOURISTE PARFAIT était aux anges à Los Angeles, où il habitait avec son ex, Barbie Chérie. Oh, ils avaient bien eu un “petit”, mais comme les lecteurs du blog n’avaient pas râlé quand il avait disparu, devinez quoi? Le “petit ” n’était plus jamais ré-apparu, eh oui! Ainsi va la vie, pensait Ken, car il à défaut de faire plaisir à tout le monde, il faut contenter ceux qui vous aiment, non? Soudain, Barbie, qui nageait tranquilou dans leur piscine, prit peur : 1- Son Ken pensait! et 2- Il était devenu philosophe! Notre photo : hommage au belge Jan Goossen du Touriste parfait avec ce Place to .be !