Sentir les parfums des tableaux !

Il est possible, depuis quelques années,  de ” sentir ” des odeurs du passé qui émanent d’un  tableau de musée, car on sait les recréer! Odeurs d’une rue de Londres au XIXéme siècle ou effluves d’un repas de la Rome antique, tout devient possible grâce à l’intelligence artificielle. Quelques expositions ont déjà passionné les visiteurs;  je vous les cite en conclusion (III), mais commençons par l’état de la recherche.
Concrètement, si vous regardez cette Nature morte à  la Dinde,  ci-dessus, vous sentirez “en vrai”, dans le musée,   la muscade, le poulet et le citron, avec leur parfum authentique du XVIIème siècle. Grâce aux Big data, on peut reconstituer aujourd’hui d’anciennes recettes – écrites, dessinées, peintes ou photographiées – et enrichir la découverte d’un tableau par une connaissance olfactive qui élargira votre expérience sensorielle , comme évoqué par Futuristscents, «Connaître en sentant: un cours sur l’odorat, la dégustation et l’ouïe ».
Les pratiques et la recherche sur le patrimoine culturel évoluent. Les visites du futur  solliciteront sans doute nos sens bien davantage qu’aujourd’hui , et l’immersion dans le passé sera facilitée. L’important est que le Passé et l’histoire ne soient plus seulement lus, vus et entendus, « avant la visite », mais qu’un  moment plus global puisse exister, pendant la visite d’un musée ou un monument, qui inclurait des odeurs-souvenirs du Passé. Ce que vient de faire le Rijksmuseum, avec le célèbre tableau de la bataille de Waterloo (II, ci-dessous).

I- ODEUROPA , le lieu des recherches! 
Le projet Odeuropa,  lancé et financé par l’Union européenne, est devenu LE lieu des recherches sur l’histoire des odeurs à conserver.
– Un projet fou, basé sur l’IA (Intelligence artificielle) auquel participent « une quarantaine de chercheurs, historiens et chimistes qui comptent recréer les odeurs de l’Europe historique pour constituer une véritable encyclopédie olfactive du vieux continent », dit le site européen.
– Les documents écrits, les films, photos ou vidéos décrivent des milliers de sensations olfactives, mais la peinture comme la littérature ne peuvent restituer ces odeurs. Cette  équipe s’est mise au défi de réaliser ce challenge. Les acteurs principaux : université de UCL de Californie ;Anglia Ruskin University et Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences.IA sur le modèle de l’’IA Phylira d’IBM, qui peut créer de nouveaux parfums en se basant sur le Big Data. Chef de projet : Marieke van Erp,  experte en technologies du langage et Web sémantique.
Ce projet s’étendra sur trois ans, et sera financé par le programme EU Horizon 2020 à hauteur de 2,8 millions d’euros. Objectif : quels sont les principaux parfums et pratiques olfactives qui ont façonné les cultures européennes? Comment sauvegarder ce patrimoine olfactif et quel est l’intérêt d’une telle entreprise? (Voir le site dédié d’Odeuropa https://odeuropa.eu/).
. L’intelligence artificielle au travail
« La première étape du projet sera de programmer une intelligence artificielle capable d’identifier toute mention d’odeur dans des centaines de milliers de textes et d’images numérisés. Il sera ainsi possible de traiter rapidement un grand volume de données, et d’indexer les nombreuses odeurs et expériences olfactives évoquées dans des documents historiques, scientifiques ou littéraires – traités d’urbanisme, de botanique, de pharmacie ou de médecine, articles de presse, récits historiques, commerce registres, textes religieux, recettes et formules, autobiographies, romans et poésie, etc. – en sept langues différentes (latin, anglais, italien, allemand, français, néerlandais et slovène). L’IA devrait également être en mesure d’identifier les éléments potentiellement aromatiques dans les œuvres d’art visuelles. »

II- UN EXEMPLE CONCRET : LA BATAILLE DE WATERLOO

Le projet pourrait également révéler des odeurs plus ponctuelles , associées à certains événements historiques majeurs, comme les guerres qui génèrent une forme de «surcharge sensorielle» comme l’écrivait l’historien Mark M. Smith dans son livre de 2014 The Smell of Battle, the Taste of Siege: A Sensory History of the Civil War. Ainsi a été évoquée la possibilité de recréer, dans le projet Odeuropa , la puanteur de la bataille de Waterloo. L’odeur des chevaux, de la poudre à canon, de la terre humide, de la sueur et du sang, mais aussi, pourquoi pas, de l’eau de Cologne portée et aimée par Napoléon, dit la présentation de ce projet.
Une première reconstitution, initiée par l’historienne d’art néerlandaise et Experte d’Odeuropa, Caro Verbeek, est déjà présentée au Rijksmuseum d’Amsterdam fait écho au tableau de la bataille de Jan Willem Pieneman.(lien de la photo: https://www.rijksmuseum.nl/en/collection/SK-A-1115)

Les odeurs de la bataille de Waterloo


Au premier plan, nous voyons des soldats blessés gisant sur le sol. L’odeur a été spécialement composée pour cette peinture – créée par Birgit Sijbrands, nez senior, de l’IFF – reflétait de nombreux éléments visibles de l’histoire: le temps, la terre et l’herbe humides, la poudre à canon, le cuir et les chevaux. Même l’odeur d’anxiété, exprimée le plus vivement dans les yeux des chevaux, se frayait un chemin dans l’odeur. Puisque les êtres humains sont capables de sentir des émotions, l’odeur produit plus d’inconfort que la peinture elle-même » (Exraits de l’article de https://futuristscents.com/ Futurist Scents – On Olfactory History and Ephemeral Heritage)- La bataille de Waterloo, Jan Willem Pieneman, 1824 – Photo du Rijksmuseum, @Rijksmuseum –huile sur toile, h 567cm × l 823cm × l 822,7cm Plus de détails
♦Thème du tableau : sur ce tableau, le duc de Wellington apprend l’arrivée en renfort des forces prussiennes Wellington (au centre)commandait les troupes anglo-hollandaises. Blessé sur une civière au premier plan à gauche, le prince héritier des Pays-Bas, futur roi Guillaume II. Source de la légende, ICI 

III- LES PIONNIERS des odeurs du Passé ! L’ idée n’est pas nouvelle ! Quelques musées d’histoire ont déjà compris la puissance des odeurs dans l’ « engagement » des visiteurs. Le premier à avoir misé sur l’odeur pour créer une sorte d ‘«effet de réalité» est le Jorvik Viking-Center à York, avec les odeurs des Vikings , puis le Lofotr Vikingmuseum en Norvège, autre musée des Viking avec l’odeur du goudron et de la fumée !  On citera aussi les expositions françaises Osiris, mystère engloutis d’Egypte ( 2016, Institut du Monde Arabe . Et l’exposition du musée Cernuschi (Paris) en 2018 Parfums de Chine. et au pour laquelle ont été ses recettes recréées d’encens chinois.
♦L‘idée d’un patrimoine olfactif commença aussi en 2001, au Japon. Son ministère de l’environnement avait répertorié et labellisé 100 paysages olfactifs , sites naturels, historiques et culturels, labellisés par leur ministère de l’Environnement (ICI  ). En 2016, ce fut l’archéologie qui bénéficia de cette expérience olfactive avec l’exposition Scent and the City à Istanbul, organisée par le Centre de recherche de l’Université Koç sur la civilisation anatolienne,depuis les Hittite.s
Enfin soulignons l’immense travail de Caro Verbeek ,avec In Search of Scents Lost (A la recherche des parfums perdus) dès 2015, une exposition qui proposait de redécouvrir les senteurs des arts des avant-gardes européennes entre 1913 et 1959. (Rijksmuseum (Amsterdam et l’Université Vrije d’Amsterdam). Le Dr Caro Verbeek est historienne et conservateur de l’art olfactif de renommée internationale, et chercheur spécialisé dans l’histoire culturelle des sens. Depuis 2010, elle conçoit des circuits olfactifs et des ateliers sensoriels pour les musées et autres institutions. Elle a récemment terminé son doctorat sur les odeurs historiques de l’art et la muséologie olfactive à la Vrije Universiteit d’ Amsterdam: un projet collaboratif avec IFF (International Flavours & Fragrances) et le Rijksmuseum, Amsterdam ; et elle s’est engagée dans des projets éducatifs innovants tels que l’outil “ The Multi Sensory Gaze ” pour le Rijksmuseum (Amsterdam),
POUR EN SAVOIR PLUS Ce tableau Nature morte, tourte à la dinde, Pieter Claesz, 1627
1- Le Tableau du haut se trouve au Rijksmuseum d’Amsterdam, le musée national des Pays-Bas. Auteur : Pieter Claesz. Cette table est remplie de mets de luxe et de pâtisseries, dans lesquelles des ingrédients tels que la cannelle, la noix de muscade, les clous de girofle et le gingembre ont été utilisés. Technique : huile sur panneau, h 76,5 cm × l 135 cm-
2- L’article qui m’a inspirée : Caro Verbeek (Source: odeuropa.eu): Tout l’article!
3- Mieux connaitre Odeuropa https://cordis.europa.eu/project/id/101004469/fr et l’article de Clara Muller, du 18 janvier 2021 Par Clara Muller https://www.nez-larevue.fr/en/author/cmuller/, dans the Olfactive Magazine
Mieux connaître la Dr Caro Verbeek , Professeure et Chercheuse : sur Futuris Scents caro verbeek – Futurist Scents et URL: https://futuristscents.com/Caro Verbeek – Biographie et : E-mailclverbeek@vu.nl

• 4- BIG DATA En savoir plus sur l’utilisation de Big data pour les odeurs ;
• 5- REVUE : La Première dans la revue « Olfactory magazine)

6- CHIFFRES SUR L’ODORAT ! On sait que, chez l’être humain, environ 1000 gènes sont consacrés à fabriquer des protéines qui vont servir au système olfactif. C’est 3% de notre patrimoine génétique. L’odorat est le premier sens à se développer chez le foetus, à partir de la 11e semaine
L’épithélium olfactif fait environ 10 cm² chez l’homme, contre 170 cm² chez le chien.
• On pensait qu’on ne pouvait sentir que 10 000 odeurs, mais les dernières recherches montrent que nous sommes capables de distinguer et de mémoriser un milliard d’odeurs différentes.
Une étude de 2004 a montré que les femmes sont meilleures que les hommes dans la détection et dans la mémorisation de l’odeur. Mais étrangement, elles n’occupent pas particulièrement les professions liées à l’odorat !
L’odeur dépend du cycle circadien : on sent différemment le matin, le midi ou le soir.Source de cet article sur les chiffres : rtbf, une vidéo et le texte.
• ire olfactive du bébé pour toujours.

PHOTOS du billet  : @ Rijsksmuseum Pieter Claesz, nature-morte avec une dinde, Rijksmuseum, 1627
Image Nature morte au fromage, de Floris Claesz. van Dijck, vers 1615. @Rijksmuseum –
Fleurs Balthasar van der Ast, Stilleven mit bloemen, 1630, huile sur toile, 59 × 43 cm, Rijksmuseum, Amsterdam

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KEN LE TOURISTE PARFAIT demandait comment il allait placer ses 62 touristes devant la Bataille de Waterloo, à Amsterdam. Il allait souvent là-bas, en Europe, pour ses affaires, et voulait retenir cette visite au téléphone « Oui, ce sera juste une petite balade « digestive » et pour le fun, dit-il assez maladroitement à la conférencière qui lui répondit gentiment : « Pas plus de 6 personnes ! Le tourisme de masse, c’est terminé, Monsieur Ken ! ».

 

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