Les trois temps de la visite, quels changements?


Les trois moments de la visite : “AVANT,  PENDANT ET APRÈS” la visite : ce qui a changé ou va changer, voilà le thème de mon billet aujourd’hui! 

Une petite anecdote avant de commencer : quand je travaillais au Musée d’Orsay, avant son ouverture, j’avais l’habitude de demander aux conservateurs quel tableau était le plus important, selon eux , de la collection du musée sur laquelle ils avaient travaillé? Quel tableau ou sculpture, voulaient–ils que tout le monde regarde ? Et pour quelles raisons ? (Choix personnel du conservateur ; tableau ou sculpture rares ou artiste génial mais méconnu, , etc…). Quand le musée a ouvert ses portes, je me suis postée dans de nombreuses salles, et j’ai observé les visiteurs, noté leurs arrêts et compté le temps passé à regarder les œuvres (en secondes) : Aïe ! Aucun, je dis bien aucun de ces tableaux préférés n’était choisi par les visiteurs. Là aussi, pour de nombreuses raisons : d’autres œuvres étaient plus simples à décrypter, ou mieux placées (face à eux quand ils franchissaient une porte ; ou étaient plus spectaculaires ; ou mieux éclairées)
Ma conclusion était que, « avant la visite », ni les visiteurs ni les conservateurs n’avaient pensé  « ensemble »!

♦Les conservateurs décidaient, le public venait voir le résultat du choix des professionnels des musées. Les conservateurs avaient accroché les tableaux par ordre chronologique, ou par « écoles »ou «styles » de peintures, et pour la sculpture c’était la même chose.
♦Par contre les visiteurs renonçaient tous à lire toutes les étiquettes (trop long, il faudrait ajouter deux heures à la visite) et ils allaient au plus facile, au plus visible, ou directement au chef-d’œuvre en le demandant au personnel de surveillance.
I- CE QUI A CHANGÉ, aujourd’hui : les visiteurs peuvent être sont associés aux choix des œuvres d’une exposition  !
Le grand progrès de ces dix prochaines années ce sera que, d’une façon ou d’une autre, le visiteur soit de plus en plus partie-prenante, impliqué, associé aux décisions, aux choix, au travail des conservateurs.
Mon exemple : La Chambre des Visiteurs, en 2019, à Rouen ,ou la nouvelle  expo de 2022 “ A poil(s) Une exposition tirée par les cheveux” , car les habitants peuvent voter pour leurs  dix œuvres préférées et  les découvrir au musée de la Céramique à partir de la Nuit des musées 2022.Découvrir les œuvres, ici (Photo  de l’exposition  l’Argument de Rouen, Egalité Hommes/Femmes )

La Chambre des visiteurs est une démarche « participative » démarche de la réunion des musées métropolitains de Rouen , pilot par le conservateur Sylvain Amic que je vous avait présentée sur ce petit blog , ICI. Pour la résumer: l’équipe de la Réunion des Musées Métropolitains de Rouen (RMM) proposait  100 œuvres en ligne, et les habitants pouvaient les qui choisissez, avec « leurs  critères ». Le message des conservateurs était  clair : vos choix sont tout aussi respectables que ceux des scientifiques ou des historiens de l’art : votre propre histoire et vos coups de cœurs vous aideront à voter pour ce que vous préférez et qui vous fait plaisir !
Concrètement, les musées de la ville continuent à faire ce qu’ils savent faire : organiser et financer l’exposition (Lieu, planning, réalisation, muséographie, accueil des visiteurs…) mais le choix des œuvres n’est plus leur seul privilège, sorte de chasse-gardée qui ne souffrait pas d’intrusions.
Voilà qui a bouleversé l’image traditionnelle des musées en inversant les rôles, car habituellement les musées choisissent et le public vient regarder.
II- LES VISITEURS SONT TOUS SUR LE WEB, aujourd’hui ? Et bien non !


Il y a quelques années, on pouvait faire ce schéma, ci-dessus (2012) mais on avait peur que les visiteurs potentiels disparaissent peu à peu des lieux touristiques et des sites culturels, tous s’étant convertis à la visite virtuelle, sur le web. Destination balnéaire, ou Montagne, Mer : je regarde les images sur mon portable et je n’y mets plus les pieds dans la vraie vie ! Pour une “Destination Musées”, même tendance annoncée : les premières conférences en visioconférence avec le Metropolitan Museum de New-York seront plus intéressantes que celles de la bibliothèque, du musée ou des archives de ma ville ! musées
III- CE QUI A CHANGÉ, aujourd’hui ! Les trois groupes se mélangent !

On passe du virtuel au réel, sans problème, et en plus le réel s’est beaucoup diversifié : aux lieux monothématiques , comme les musées, sont devenus s’ajouter des lieux hybrides , avec des expositions et des restaurants, des crèches ou des pépinières d’entreprises !
Le public n’est plus seulement « en ligne »,mais dans un Tiers-lieu qui a « un peu de tout » et où il peut aussi déjeuner…
De nouvelles pratiques culturelles sont donc nées ; la culture est moins isolée, plus perméable aux changements et très sensible à la réalité » sociale, aux « Communs.
Saluons les Oiseaux de Passages, premier mouvement capable de créer un tourisme qui s’appuie sur l’échange entre humains ; ce projet n’est pas, à mon avis, un projet de tourisme élitiste, « tourisme de niche » pour happy few ou bobos parisiens, comme o dit au Sud, mais au contraire  une vraie découverte , une vraie vision, de vrais outils pour créer de  l’échange, des partages des récits de chacun et remplacer un tourisme de masse qui court trop souvent comme un canard sans tête.
A NOTER : A  L’ÉTRANGER : aux USA les lieux de Culture deviennent des lieux de débat de la cité (Le MAH, musée d’art et d’histoire en Californie de Nina Simon. Nina écrit the Participatory Museum, dont je vous parle souvent, en …2000 !). D’autres musées américains, à l’est, disent que leurs parcs et jardins pourraient devenir tout autre chose pour mieux servir la société.

IV- CE QUI A LE MOINS CHANGÉ aujourd’hui ! C’EST JUSTEMENT LES LES TROIS TEMPS DE LA VISITE culturelle, qui ressemblent beaucoup aux trois moments du choix d’une destination de vacances pour l’été prochain. En regardant le schéma de 2012, au début de ce billet, on se rend compte que: 

1- On commence toujours par s’informer, AVANT  de partir et en priorité auprès de nos amis car nous avons les mêmes goûts ; on leur demande ce qu’ils ont vu de « mieux » ou leurs « bons plans » pour une destination;
2- Puis une fois que l’on a choisi, on lance l’engrenage « Réservations » pour pouvoir planifier un minimum , surtout si on est en famille. Il ne reste plus qu’à affiner les projets, selon ses propres goûts, pour une visite culturelle comme pour une destination : il faut les « personnaliser », sur le schéma, pour qu’elles correspondent à vos propres désirs et à ceux de votre famille ou amis.
3- Enfin, dernier temps fort, celui du séjour, PENDANT t lequel où il faudra prendre ses marques, découvrir et comprendre, et partager ses impressions (photos, vidéos…) avec ses amis.
4- Franchement, l’ « APRÈS »visite ou séjour  est toujours un peu bâclé, aujourd’hui comme hier : on évalue peu, y compris chez les professionnels.
Il y a donc peu de stratégies de fidélisation des visiteurs, APRÈS  sauf via les réseaux sociaux et les plateformes d’avis, mais la méfiance règne et le travail qui serait nécessaire pour évaluer ( différence entre les espérances et ce qu’i s’est passé) comprend énormément de de données et serait très coûteux . Au lieu de sondages, en fin de visite, nous avons aujourd’hui des data à disposition. Mais il faut les récolter, les choisir, les traiter (analyser,synthétiser) avec un professionnel (Data Scientist )et une équipe experte en  « marketing, sciences humaines, finances…). Quand on n’avait pas ces outils, ces  Big Data, on évaluait mal, mais faute de données. Maintenant qu’on a les données, le travail est devenu très (trop ) cher ?

CONCLUSION, pour le fun, et encore une anecdote pour faire plaisir à mon amie Sylvie Huron : un jour d’observation des comportements des visiteurs ,  je suivais donc , en me cachant un peu pour qu’il ne me remarque pas, un visiteur qui avait un drôle de comportement . C’était  un homme assez jeune, avec un attaché-case, qui allait d’une salle à l’autre, très rapidement, sans aucune hésitation. Il regardait longuement un ou deux tableaux, en fin de salle. Et il repartait presqu’en courant vers la salle suivante Quand je lui ai demandé, à la sortie, les raisons de cette détermination, de cette rapidité, il m’a dit qu’il suivait les panneaux de la « Visite pour gens pressés » car il avait un rendez-vous pour son travail et peu de temps. Mais nous n’avons pas de visite pour visiteurs « pressés », Cher Monsieur,  lui avais-je répondu.
– Mais si, me répondit-il, vous avez ces panneaux dans chaque grande salle, ces  panneaux verts :

POUR EN VOIR PLUS sur ces évolutions et faire de nouvelles prédictions !

  • Quelque billets du blog : 
    Choisissez votre destination culturelle! www.nouveautourismeculturel.com/blog/2018/06/07/choisissez-votre-destination-culturelle/
    www.nouveautourismeculturel.com/blog/2019/10/05/rouen-et-sa-chambre-des-visiteurs/
    www.nouveautourismeculturel.com/blog/2018/06/13/les-trois-temps-de-la-visite-que-faire/
    www.nouveautourismeculturel.com/blog/2016/10/19/les-visiteurs-sont-votre-force/
  • Participatory Museum (Musée d’art et d’Histoire dirigé jusqu’en 2019 par Nina Simon . Nina Simon a une formation d’ ‘ingénieur (Worcester Polytechnic Institute dans le Massachusetts) et a voulu créeer des musées où les débats de la ville – Logment ou transpoprts, education ou santé.. – pouvaient faire partie du programme d’art et d’histoire. Elle avait exposé ses idées dans son innovant dans son blog « Museum 2.0 », puis son livre The Participatory Museum et The Art of Relevance..
  • La construction de la participation sociale, Master 1 – Histoire de l’Art Préparé sous la direction de Mme Corinne Welger-Barboza Septembre 2010. Auteur : Laetitia AUBIN- Université Paris 1 Panthéon Sorbonne UFR 03 Histoire de l’Art et Archéologie Museum 2.0 en 2010  www.observatoire-critique.hypotheses.org/files/2010/09/Memoire%C2%A0Museum-2.0.pdf

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Ken vous attend à San Francisco, son numéro de portable est le…

KEN LE TOURISTE PARFAIT avait décidé d’inviter des anglais vivant à Los Angeles. Barbie Chérie avait cuisiné un homard, et Ken avait acheté le meilleur vin de Californie. Ils voulaient les voir pour partager avec eux ce moment de festivité qui marquait les 70 ans de règne de leur Reine. Ils trinquèrent à la Paix et à ce Traité de Paris, en 1783, par lequel la Grande-Bretagne reconnaissait l’indépendance des États-Unis !

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