Pour en finir avec l’Effet Bilbao!

Ken et son cadeau de Noël! (Voir légende en bas du billet)

L’effet Bilbao c’est comme Noël : le début d’une prière, une promesse d’espoir ou un simple sujet de conversation. A chaque projet de création d’équipement culturel, à chaque inauguration, l’expression effet Bilbao bat son plein, comme lors de l’ouverture du Louvre-Lens il y a quelques jours. Mais hélas, et voilà pourquoi nous avions envie d’écrire ce petit billet, l’effet Bilbao, devenue l’expression favorite des élus et des journalistes, n’est jamais défini tel qu’il s’est réellement produit . D’où cette nécessaire mise au point, donc,   puisque je suis allée à Bilbao cette année et ai pu admirer et surtout comprendre  le “miracle” grâce au Maire et à ses équipes!

I-             « JE PLANTE UN BEAU MUSEE ET IL Y A UN MILLION DE VISITEURS » ?

L’effet Bilbao est d’abord réduit, dans la presse ou dans les discours,  à une sorte d’effet spontané, celui de retombées économiques quasi-instantanées dès lors que s’ouvrirait un établissement culturel, en France. Autrement dit le problème à résoudre serait celui-là :  « Calculez les retombées économiques d’un million de visiteurs si leur  un panier moyen est de 200 ou 300 euros par jour et s’ils séjournent 2 ou 3 jours avec des nuitées à 120€ ou 220€ ». Le vrai travail commence pourtant en amont, celui qui consiste à faire venir ( A transporter, à héberger, à accueillir de façon satisfaisante durant tout leur séjour) les touristes et et les excursionnistes.  Et, conjointement, par une analyse des clientèles potentielles des stratégies du Tourisme local en déterminant des “profils” de visiteurs culturels, qu’ils soient “assidus” ou “occasionnels” pour l’offre culturelle. Enfin la promotion de cette offre doit faire synthèse de ses atouts les plus remarquables. Lens, par exemple, a tant d’atouts, très différents de ceux de Bilbao, que les visiteurs pourront aussi devenir nombreux si les politiques et les stratégies profitent  de ces atouts (Transports ; proximité des frontières; de Paris; nom Louvre; réseau très fertile de culture; désir d’innovation; architecture subtile et remarquable du musée; convivialité de l’accueil…).

Le théâtre Arriaga de Bilbao, entièrement rénové en 2002

 

Dans les faits l’effet Bilbao est surtout dû, comme nous allons le démontrer, à dix ans de très gros travaux de 1987 à 1997 – pas moins que le déménagement d’un port entier à 10 km, le comblement des friches, la création d’autoroutes, d’un tramway, d’une nouvelle gare, d’un nouvel aéroport et de la rénovation du Vieux Bilbao. Toutes ces projets d’infrastructure  – ont précédé l’arrivée du musée et coûté plus d’un un milliard.

– LE MUSEE COMMUNIQUE SUR SES RETOMBEES :  la méprise des journalistes, des élus et du grand public est peut-être compréhensible, car, sans doute pour démontrer aux habitants que leur efforts avaient porté leurs fruits, la Ville de Bilbao a beaucoup communiqué sur les retombées  du musée, dès le premier mois d’ouverture:

« Le 1er mois, 100 000 personnes ont visité le Musée Guggenheim, et 1,36 million la 1ère année. Après huit mois, il affichait déjà 700 000 entrées (alors que les prévisions les plus optimistes tablaient sur 400 000 entrées pour les 12 premiers mois), dont un quart d’étrangers.Les dépenses directes que ces visiteurs ont réalisé au cours des deux premières années atteignent 433M€. Elles correspondent à une augmentation de 337M€ du PIB. Cette augmentation de richesse a généré des revenus additionnels pour le trésor public basque de 63M€ en TVA, en impôt sur les sociétés et en IRPF. L’augmentation du PIB pour la première année (144M€) prouve que la société basque a récupéré en une année la totalité de l’investissement réalisé ».( in : La culture enjeu économique ou symbolique pour le développement des territoires INEUM Consulting 2009, à lire ICI.)

Ce type de communication, qui a le don d’énerver les conservateurs de musée en France ( « Ce n’est pas la quantité qui compte seulement la qualité de la visite… »), a beaucoup fait, en tous cas, pour que la Culture commence à compter. Dans les deux sens du terme!

 

Musée Guggenheim, vu de la passerelle du Nervion en mars 2012

II-              LE MUSEE GUGGENHEIM, ACTUEL  EMBLEME DE LA VILLE

 

 

 

 

 

 

La collection de la Fondation GUGGENHEIM, grande marque des collections américaines de New-York, puis  de Venise, Abu Dhabi, Berlin et Bilbao, est présentée à Bilbao dans le chef d’œuvre en titane de l’architecte Frank Gehry. Le musée est bien devenu, aujourd’hui, le porte drapeau d’une ville qui s’est  davantage transformée en 20 ans que depuis sa fondation le 15 juin de l’an 1300.

III-            BILBAO, VILLE EN FRICHES, depuis les années 70, suite à son historique déshérence économique, après la perte de son industrie (mines de fer, sidérurgie, activités portuaires et chantiers navals ) et de sa richesse (Banco de Bilbao en 1857, bourse de Bilbao en 1890, première ligne de chemin de fer pour le transport du minerai en 1865, doublement de la superficie de la ville en 1876 et première université en  1886, début du XXe siècle, la ville est l’une des plus riches d’Espagne et elle a conservé de cette période une architecture magnifique).

IV – LA RECONVERSION .

Pour se reconvertir, elle commença par déplacer son port, en en créant un nouveau à dix kilomètres en aval, ce qui libéra le centre-ville historique. Bilbao  fonda alors son projet urbain et économique avec les 35 municipalités de la Province, soit 950.000 habitants. Une agglomération fut créée (20 municipalités, 1 000.000 d’habitants, dont 350 000 habitants pour Bilbao). Le chantier, qui commença avant 1990, se poursuivra par grandes phases, le tout dernier projet ayant été présenté en décembre 2011 pour la période 2011-2020.

V – CHRONOLOGIE DE  LA REVITALISATION DE BILBAO

– 1986-87 : Création d’un nouveau port maritime et Plan de revitalisation de l’espace urbain de Bilbao limité à la ville;

1990-91 Plan stratégique de revitalisation urbaine à l’échelle de l’agglomération. Création de Métropoli 30 , la structure associative réunissant les 30 communes de la métropole, chargée de réaliser les projets de planification, les études et la promotion du projet. Une excellente communication permit aussi  une appropriation rapide du projet par les habitants et sa réussite pour le suivi, la promotion, la diffusion d’un plan stratégique;

-1992 Création de Bilbao Ria 2000, structure mise en place par l’Etat central et les collectivités pour le montage et la réalisation d’opérations d’urbanisation. Aucun promoteur n’étant prêt a prendre en charge ces opérations,  la solution choisie fut celle du phasage des opérations en fonction de la libération progressive des terrains. 735 millions d’euros sont investis par « Bilbao Ria 2000 », une société anonyme qui compte pour actionnaires le gouvernement basque, la province de Biscaye et les municipalités concernées;

– 1993 Début des opérations (Démolition de friches industrielles dégradées ; dépollution ; construction de voies ferrées, de gares..)

– 1993 Concours international de définition de l’aménagement,  remporté par l’architecte américain César Pelli;

Bilbao Ria 2000, 35 hectares et aujourd’hui, entre le musée Guggenheim et le Palais des congrès;

– 1995 Mise en service de la première ligne de Métro et naissance de la « métropole »;

– 1996  Opération de rénovation du quartier du Vieux Bilbao ;

– 1997 Musée Guggenheim

– 1999- 2012 : accélération des constructions et choix de rès grands architectes (Passerelles, bibliothèque, tours, centre culturel, palais des Congrès….

– 2004 : Bilbao reçoit le prix du Meilleur projet urbain du monde, (Prix « Città d’Acqua ») ainsi que le Prix Européen de Planification Urbaine et Régionale.

En conclusion, le musée Guggenheim – un million de visiteurs/an –  est une opération qui prend place parmi d’autres, toutes aussi structurantes.

Pour en savoir plus, voir toute l’histoire du projet, avec des photos, des plans et le détail de l’évolution ICI . Ou encore ICI.

– LES PROJETS DE BILBAO à l’horizon 2020

Actuellement d’autres zones de la ville et de l’agglomération  sont en cours de définition et d’aménagement (que l’on peut visiter…), où seront créés de nouveaux quartiers, avec des programmes classiques (Logement, bureaux, etc…), des éco-quartiers mais aussi de nombreuses industries créatives (Web ; studios de Cinéma ; jeux vidéo..) .Un  pôle « Direction artistique» pour l’international fait partie de l’ingénierie du projet , pour poursuivre la démarche et la production artistique et culturelle de la Ville. Le choix de grands architectes continue:après  Frank Gehry, pour le musée, Santiago Calatrava pour l’aéroport l’aéroport et le pont, César Pelli pour le siège de la compagnie Iberdrola. Un plan d’aménagement des friches industrielles de l’île de Zorrozaurre, a été élaboré par l’architecte anglo-irakienne Zaha Hadid, (5 000 logements et d’autres ponts et passerelles sur le fleuve).Et le Pays Basque, avec San Sebastian Capitale de la Culture en 2016, devient une région totalement excellente pour le Tourisme culturel.

EN CONCLUSION : cette ville de 355 000 habitants a , depuis  20 ans:

–        inventé une gouvernance capable de soutenir la culture matérielle et immatérielle – le patrimoine et les musées, dont le célèbre Musée Guggenheim, mais aussi l’architecture, l’art de vivre, les industries créatives, la Gastronomie – en prenant appui sur les demandes significatives du potentiel des futurs habitants et visiteurs (Jeunes, primo-visiteurs des pays émergents de l’Amérique latine …).

–        encouragé la démarche touristique et culturelle par une mutualisation (évaluations des stratégies de développement durable du tourisme culturel ; outils et nombreuses études pour connaître les bonnes pratiques internationales en matière de tourisme culturel). Une puissante ingénierie est au service de la Ville et du Pays Basque espagnol.

Voilà qui explique aussi le « miracle » de Bilbao, dont le musée n’est que l’une des brillantes réalisations !

Enfin ajoutons que Bilbao a été un « laboratoire » pour les chercheurs, les urbanistes et les économistes du monde entier. Lorsque Charles Landry publie son ouvrage, The Creative City, Boite à outils pour les innovateurs en milieu urbain, en 2000, il a déjà créé, à partir de son expérience avec la Ville de Bilbao et la Province de Biscaye, toute une série d’indicateurs qui définissent pour lui, et pour la première fois depuis le XIXéme siècle, une ville créative: cadres politique et de service public pertinent  ; diversité, identité, vitalité de la ville ; confiance, tolérance et accessibilité ; esprit d’entreprise, exploration et innovation . Pour Charles Landry, il faut prendre la Culture comme un double modèle : pour repenser l’urbanisme avec l’imagination et la liberté de la démarche créative, d’une part,  et pour organiser des activités culturelles partout où cela sera possible, d’autre part.Voir ICI pour en savoir plus.

En savoir beaucoup plus sur la fréquentation des sites culturels, les retombées économiques, Bilbao ou Creative Cities : Le tourisme Culturel, sous la direction de LEHALLE Evelyne, janvier 2012, Editions Territorial, 164 pages.

Ken arrive devant le Global Center de Chengdu ( Pour tout arranger, le brouillard s’est levé 🙂

 

KEN LE TOURISTE PARFAIT

Ken ne savait plus où donner de la tête, ces jours-ci. Barbie, son ex, le tannait littéralement pour  qu’il lui prête sa voiture, celle de L.A, la nouvelle Porsche 918. Arriver dans une si belle chose lui assurait le respect des vendeurs, disait-elle, et lui permettait de couper court aux files d’attentes chez les joaillers de la ville. Le Petit était aussi  capricieux en ces veilles de Noël  et tannait lui aussi sa mère pour conduire la Porsche, mais comme il avait huit ans, Barbie  refusait de céder à son fils. Comble du désarroi, Ken devait ce matin inaugurer le Global Center  de Chengdu pour ETG, le China Exhibition §Travel Group, et ne trouvait pas la porte d’entrée ! Normal, ils avaient construit 1,7 millions de mètres carrés d’une seul tenant pour le plus grand édifice du monde, (500X400m). Après 12 000 km en avion, 3 nuits en palaces et autant de dîners d’affaire, Ken jeta l’éponge et s’affala sur un canapé du hall en attenant sa copine, l’architecte du projet, Zaha Hadid, qui l’avait déjà repéré avec son GPS…

PHOTO DU HAUT : Ken devant sa Porsche 918,  tirée à 918 exemplaires seulement pour sa sortie !Ses 785 chevaux lui permettait d’accélérer à 100 km :h en une seconde, ce qui l’aidait bien pour tenir son agenda ;Ken  avait pu avoir la finition de ses rêves, le superbe bleu-gris Liquid Metal, moyennant un minuscule supplément de 50 000 euros, une paille à côté des 775000 €de la voiture.

PHOTO DU BAS : Ken à Chengdu devant le Global Center, presque terminé. Le programme des 1,7 millions de m2 : 400 000m2 de boutiques de luxe ; des bureaux et salles de conférences ; deux centres commerciaux, un complexe universitaire, deux hôtels cinq étoiles, un cinéma IMAX, une patinoire et une plage artificielle, au bord d’une mer recréée, le tout sous une immense verrière climatisée.

ET LA SEMAINE PROCHAINE :  LES  WINNERS DES  KEN D’OR 2012!!!!!!les meilleurs projets du Tourisme culturel en 2012, les meilleurs musées, expositions, les meilleures villes en France et dans le monde, la meilleure communication, la meilleure équipe du e-tourisme…

Venez découvrir si vous en êtes…ou pas! 🙂

 

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  2. […] de Greg Richards  et de ses amis à la définition récente de la Creative Europe, en passant par le schéma de développement de Bilbao dès les années […]

  3. […] culturelles depuis 1985) , relire nos deux billets sur Bilbao :  une journée à Bilbao et Pour en finir avec l’effet Bilbao. 2- Pour vous nourrir de l’expertise du Forum d’Avignon, jouer dans la cour des grands […]

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