Art , Entreprises et Tourisme!

Le vol des Abeilles Guerlain Gérard CholotI- Entreprises et Tourisme, un petit résumé !
La finance, l’industrie et le commerce se sont depuis longtemps associés aux artistes, et de façon claire. En Europe, le pionnier est sans doute Mècène ( Gaius ) notre richissime romain de l’Antiquité (Gaius Cilnius Maecenas, né en 70 avant JC et mort en 8 après JC), qui protégea les poètes Virgile et Horace. Et pour la période moderne, la Renaissance italienne est la grande période des commandes artistiques, celles des banquiers Medicis de Florence, des Sforza du duché de Milan, des Ferrare à Modène, des Doria à Gênes, des Montefeltro à Urbino ou des Borgia à Rome. Les villes, en, Italie étaient alors organisées en une multitude d’Etats, aux mains de riches familles qui témoignaient, avec des commandes aux artistes, de leur puissance et de leur raffinement.
– Aujourd’hui les artistes profitent aussi du mécénat, et les mécènes de leurs talents, mais on notera trois grands changements, depuis la Renaissance. 1- Les grands de ce monde préfèrent prendre des talents avérés, des artistes déjà repérés ou très connus, plutôt que les « meilleurs » élèves de l’école d’art de la ville, comme le faisaient les Médicis. 2- L’art devient une « valeur ajoutée » à leur produit, le désir de notoriété du mécène l’emportant, la plupart du temps, sur le « raffinement » souhaité par nos anciens. 3- Les intermédiaires (Galeries ; curateurs, conservateurs, Agences de Conseil privées …) sont les nouveaux assistants des choix du mécène qui se livrent souvent, entre eux, une guerre sans merci pour « placer » leurs artistes ou tout simplement,  entre eux, pour devenir ou demeurer des as du « Conseil » aux entreprises. Eviter ces écueils est pourtant simple, comme nous allons le voir.
II- L’Artketing
croisement  entre art et marketing, l’artketing semble aujourd’hui un très bon moyen de communication pour emporter l’adhésion de nos contemporains, de plus en plus sensibles à l’air du temps, qui fuient aussi la banalité, détestent le vieillot ou l’approximatif et veulent vivre une « expérience » tout au long du voyage, à commencer par leur lieu de séjour.
Comment s’y prendre et par où commencer?  ? Voici une petite typologie de ce que recouvre « Art et Marketing » et un mode d’emploi en trois temps pour ceux qui auraient envie de s’y mettre. Et ne prenez pas peur : même les petites entreprises peuvent procéder comme celles du Luxe, en s’associant avec des artistes pour des projets. 
Dom Perignon Coffret BalloonIII- L’art, un monde à marier avec le Tourisme?
1) Quand l’art « décore » l’hôtel, le Siège social, la bouteille de champagne ou les assiettes!
– C’est le premier degré, le plus facile, en quelque sorte, car l’art « magnifie » sans déranger et on n’a plus qu’à regarder. Mais cette facilité  n’est pas du tout un défaut! Cette étape est un très bon début, pour marier l’art et les entreprises, car  la présence de l’art change l’âme des lieux, et les expositions sont en général très réussies. Des exemples : la Société Emerige (Immobilier) et ses œuvres artistes accrochés dans les bureaux ou la Société foncière Lyonnaise avec Felice Varini (Photo ci-dessous,l’ellipse blanche sur fond  bleu de l’artiste Felice varini ) ; le coffret de bouteille Dom Pérignon de Jeff Koons en 2003 (650 ex. à 18000 € le coffret…)Photo ci-contre ; les étiquettes de la bouteille de rhum Clément (30 000 exemplaires )réalisées par le graffeur JonOne pour les 125 ans de la marque (Photo en bas du billet) ;  les assiettes de David Lynch, JR et Sophie Calle pour l’entreprise Bernabaud ; les abeilles de Gérard Cholot dans les magasins de Guerlain (Notre photo du haut, avec Ken). Les « décorateurs » des grands hôtels, qui ne remettent pas en cause les comportements des visiteurs et les codes hôteliers, travaillent dans l’aménagement des lieux plutôt que dans leur réinterprétation. D’autres hôtels, d’autres  entreprises créent des Trophées (Hôtel Meurice entreprise Pernod -Ricard), pour mieux se frotter et s’allier aux artistes et au milieu de l’art , celui des galeristes ou des responsables des grands sites culturels.
Emerige Siège Marais Felice Varini– Dans la même catégorie on placera les Expositions des grands entreprises- mécènes : les espaces “Art” au sein des Galeries Lafayette ou l’aéroport de Roissy ; les Fondations des entreprises du secteur du Luxe,  comme celles de F.Pinault et B.Arnault à Venise et bientôt à Paris ;  on citera aussi, pour la réalisation d’expositions,  l’entreprise  Cartier, le mécène Bernard Magrez (Bordeaux) ou  la très dynamique fondation Hoffmann (Arles; Suisse) ainsi que les entreprises Prada, Roger Vivier , etc…
– Enfin les expositions temporaires sur leurs propres marques  assurent aussi une grande notoriété au secteur Luxe ( Dior, Van Cleef and Arpels, Bulgari, Dior, Chanel, Yves Saint Laurent) d’autant que de grands sites culturels les accueillent à Paris : Musée d’Orsay, Musée des Arts décoratifs, Grand Palais, Palais de Tokyo. Bref, tous ces lieux magnifiques où l’on peut admirer les collections des mécènes. De plus, certaines expositions aident financièrement le fonctionnement des lieux (Palais de Tokyo) ce qui soulage le budget du secteur public.Et l’architecture fait aussi partie de la commande, avec de grands noms (Franck Gehry à Arles (Fondation Luma/Hoffmann) et bientôt à Paris pour la Fondation Vuitton/LVMH). 
2) Quand l’art passe par le dialogue avec l’entreprise ! Plus  étonnante et risquée est l’attitude des entreprises qui confient leurs marques à des projets d’artistes, dont on sait bien qu’ils vont demander l’impossible, au moins techniquement : Vuitton avec Murakami ou Prince, Hermès avec Buren : « Tous [les artistes]mettent un point d’honneur à concevoir un objet « irréalisable » et obligent les artisans d’Hermès à repousser leurs limites », dit Thierry Consigny, de l’Agence Saltimbanques, agence  spécialisée dans cette démarche art/ entreprises. Citons aussi le financier Edouard Carmignac , qui expose dans ses bureaux « Fallen Angel » de Jean-Michel Basquiat. Est-ce un message de l’œuvre, vers les salariés, à l’humour un peu noir : la prise de risque peut-être fatale ?

Epicenter Prada à New-York (Architecte Rem Kholas).

Epicenter Prada à New-York (Architecte Rem Koolhaas).

3) Quant les artistes ont le droit d’échouer…Dernière attitude des entreprises, plus généreuse, en quelque sorte: celle de l’accueil d’artistes qui, en résidence, sont pris en charge par des entreprises mais là rien ou presque n’est décidé à l’avance : on ne sait pas très bien s’il « en sortira quelque chose », dirons-nous pour faire simple. C’est le cas des artistes hébergés en « résidences » par Bernabaud, Hermès ou la Manufacture de Sévres, et des programmes « Art et entreprises » qui rapprochent les salariés et les artistes depuis les années 60 en France et sont en général très bénéfiques par la qualité des rencontres et de la réflexion entre artistes et salariés. Les «Carte blanche » peuvent aussi être risquées, données à des artistes par des entreprises déjà citées plus haut ou par Electrolux par son habitat perché en haut du palais du Trocadéro. Ces résidences ou commandes “sans obligation de résultat” sont donc plutôt réservées à des entreprises qui ont déjà une bonne expérience de l’art et les artistes.Elles leur font un beau cadeau : la durée!
IV – Conclusion
Toutes ces formes de mariage entre artistes et entreprises sont remplies d’énergie, et quels qu’en soient les objectifs affichés ou les vices cachés, elles ne peuvent que profiter aux artistes, aux visiteurs et aux entreprises.
Car, à notre avis, notre avis l’art et ses professionnels devraient davantage inspirer les entreprises du tourisme, un peu avares, dans leur établissements et leur communication, de véritables talents, en particulier dans le secteur de l’hébergement marchand et celui de la promotion des destinations.
Les campagnes de communication, les affiches ou le graphisme des catalogues, le design des sites numériques, les halls d’accuil des Offices de Tourisme ou les chambres d’hôtels  ne sont pas tous laids, non plus, mais l’art, sous toutes ses formes, n’y est que rarement intégré, avec un projet et des artistes. Or tous eux qui ont essayé cette “intégration” ont gagné ! En témoignent quelques 200 exemples présents dans ce petit blog, ce qui fait peu, certes, mais tous ces exemples sont déclinables, quelque soit le budget et le temps imparti.

palais de Tokyo (paris) Salle des Instructions, Jean-Michel Alberola (salle de repos pour les visiteurs).

Palais de Tokyo (Paris) Salle des Instructions, Jean-Michel Alberola (Salle de repos et d’énergie pour les visiteurs).

La polémique classique de la récupération-de-l’artiste -à-des-fins-commerciales est lassante et hors d’âge, faut-il le préciser en conclusion, car elle représente l’héritage d’un art qui serait  “hors-sol”, “hors-économie”,   alors que tous les artistes qui monnayent aujourd’hui leur travail n’y perdent pas leur âme pour autant. Les entreprises, dans ce partenariat, ont quant à elles une contrainte, celle de prendre l’artiste comme il (ou elle est) est, avec ses exigences, ses difficultés ou ses rêves! Ce qui est certain est que toutes ces aventures donnent du sens, et souvent un sens nouveau aux « produits », et que la qualité est au rendez-vous. Peut-être avons-nous, avec ces expériences bien éprouvées en Europe et tout particulièrement en France, une carte à jouer plus souvent, car nous devons être sans aucun doute le seul pays à avoir près de cinquante écoles d’art à disposition! Si ces écoles ne sont pas “visitables” par les visiteurs touristiques, elles représentent l’art en train de se faire (Art au sens large, du dessin au graphisme jusqu’au design, au graphisme et à la vidéo ou  aux arts numériques…).

Vers de nouveaux publics? Nos concurrents et voisins  l’ont bien compris! Pour actualiser l’offre culturelle, le patrimoine ancien invite déjà des artistes dans les bâtiments anciens (églises,   monuments, châteaux…)  et de nouveaux visiteurs sont au rendez-vous, ceux qui ont du mal à ne visiter un pays que pour son Passé.  Les stratégies touristiques actuelles des anglais, des espagnols et des  allemands ne font que cela : réactualiser leur offre à partir de propositions  plus créatives, avec une communication adaptée à de nouveaux et (plus jeunes) publics!  
Alors, amis du Tourisme, n’hésitez plus ! Pour votre prochain catalogue, pour vos prochaines photos, vos affiches en préparation, votre nouvelle vitrine de l’été, votre logo ou votre salle d’accueil, évitez le travail amateur, passez par des professionnels, faites confiance aux artistes, vous ne le regretterez pas !

Un grand merci à la revue Série Limitée des Echos, Fév. 2014, N°129, à qui nous avons emprunté des exemples et photos de ce billet. Voir l’article de l’excellente journaliste Martine Robert , “L’Art, nouvelle âme du Luxe “, ICI(Photo de Ken, ci-dessous,  devant la couverture…)

Ken Art et LuxeKEN LE TOURISTE PARFAIT n’avait juste RIEN compris à ce billet (Oui, Ken lit en douce, au dessus de mon épaule, ce que j’écris…).Parfois, entre trois voyages autour du monde et leurs quatorze réunions de travail pour ses Affaires, Ken voulait se reposer et surtout dépenser son argent de multi-milliardaire, histoire de montrer aux villas voisines de la sienne à L.A qu’il n’était pas un simple plouc, lui. Son ex, Barbie Chérie, l’avait bien traîné dans des salles des ventes, mais il s’y était beaucoup ennuyé tellement elles étaient codées…Son outil à lui, c’était le voyage, qui lui permettrait de parcourir les grandes foires d’art du monde, en mode Touriste Parfait. La prochaine fois,  il y emmènerait le patron de Mattel, car l’entreprise qui l’avait créé commençait à battre de l’aile….
NOS PHOTOS  : Ken, Série Limitée-Les Echos, Fév. 2014, N°129, couverture
– Ken et Le Vol des Abeilles, installation de Gérard Chollot pour Guerlain (En haut du billet) 
– Siège entreprise Quartier du Marais (Paris). Intervention de Felice Varini 
– Epicenter Prada de New-York, architecte Rem Koolhaas
– La salle des Instructions au Palais de Tokyo à Paris, conçue par jean-Michel Alberola comme un espace de repos. JonOne, Rhum pour l’habitation Clément (La Martinique)
– Coffret Balloon Venus de Jeff Koons pour le champagne Dom Pérignon (Galerie la Vitrine à Paris)

Rhum Clément Jon OneA bientôt mes amis! Et passez un bon week-end, avec ou sans cette jolie bouteille de Rhum dessinée par JonOne le Graffeur pour l’entreprise Clément!

3 Commentaires

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    • Bicay Mabé sur 12 septembre 2019 à 4 h 40 min

    Merci Evelyne pour tout ce que tu tranmets au sujet du Tourisme Culturel, tes textes sont passionnants et enrichissants. BRAVO et MERCI. Marie Bé BICAY.

    • Bicay Mabé sur 12 septembre 2019 à 4 h 46 min

    Merci et Bravo Evelyne, tes textes sur le Tourisme Culturel sont FORMIDABLES et surtout très ENRICHISSANTS.👏👏👏👏💙💋

  1. Merci à toi, fidèle amie, cela me fait plaisir d’avoir des lecteurs aussi gentils que toi, voilà pourquoi je continue, d’ailleurs : juste pour toi et ces lecteurs! Belle journée à toi et amitiés

  1. […]   […]

  2. […] « exposition », « signés »… vocabulaire de l‘ »Artketing »  que nous avions disséqué dans un billet il y a quelques mois.Encore timide en France, cette […]

  3. […]   […]

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