En Italie, la révolution continue !

Uffizi Leonard de Vinci Battaglia di Anghiari(copie Tavola Doria)La « Révolution du tourisme culturel » portée par Matteo Renzi et son ministre de la Culture et du Tourisme Dario Franceschini, a pris un nouveau tournant cet été avec deux annonces-phares du ministre : pour l’investissement, une somme de 80 millions d’euros sera affectée à la restauration du patrimoine, dont 18 millions pour le Colisée de Rome, monument le plus visité d’Italie. Le Colisée devrait retrouver son sol d’origine, en plancher et sable, où les romains organisaient les Jeux et leurs combats.
Ensuite la réforme des musées a commencé par la nomination de 20 nouveaux directeurs qui prendront leurs fonctions cet automne. Ces nouveaux directeurs ont été « choisis sur leurs CV pour apporter innovation et modernisation » aux musées italiens. Parmi eux,une moitié de professionnels étrangers ou d’Italiens de retour de pays étrangers a créé la polémique (Et nous ? ont demandé les conservateurs italiens). D’autant que certains ne sont « même pas » conservateurs, ont fait remarquer les plus corporatistes.
Ce grand chantier des musées, annoncé dès le début de l’année – cf notre billet “Italie, une révolution culturelle”  – vise à placer les 4588 musées, aires archéologiques et monuments historiques ouverts à la visite au niveau de la meilleure muséologie internationale. Stratégies, financement, gestion, accueil des visiteurs : l’ICOM, International Council of Museums, sera sollicité et organisera d’ailleurs sa prochaine Conférence Générale à Milano, en juillet prochain.
ColiséeI- LE COLISÉE DE ROME, déjà restauré par le mécène Diego Della Valle, qui y investit 25 millions (2013-2016), va bénéficier de 18,5 millions pour la rénovation du sol de l’arène (3.357 m2), ce qui permettra aussi de restaurer et réaménager les sous-sols pour que les visiteurs comprennent plus facilement le fonctionnement du lieu à l’époque romaine, et peut-être d’y créer un nouveau musée sur l’histoire du site. Rappelons que le Colisée est le plus grand amphithéâtre romain au monde, avec son ellipse au périmètre de 527m capable d’accueillir plus de 70 000 spectateurs pour vivre les « Jeux », sports et  combats. Les combats  eurent lieu jusqu’au milieu du VIéme siècle sous leurs trois formats : entre les animaux (Venationes), entre condamnés à mort et animaux (Noxii) ou entre les  gladiateurs entre eux( Munera). L’ensemble des spectacles faisaient le bonheur des romains, « Panem and Circenses », du Pain et des jeux !
L’an dernier le circuit « Colisée, Forum et Palatino » a reçu 6.265 669 visiteurs, d’après le ministère des Biens culturels.
Il n’est pas annoncé à ce jour de programme précis mais  le Colisée se dotera d’une structure et des compétences pour l’organisation de « Spectacles », comme celle de Versailles  qui gère toutes les activités et spectacles du  Domaine, ou celles de Cultures Espaces qui gère les spectacles dans les arènes de Nîmes. Pour l’instant, le ministre a seulement annoncé que les visiteurs touristiques pourraient enfin visiter les sous-sols pour mieux  comprendre le fonctionnement du Colisée antique; et que des spectacles de haut niveau y seraient organisés ( « et non pas des concerts de rock ou des parties de foot, comme se plaisent à le dire certains.. », a-t-il précisé dans le 19 août dernier (El Pais).

 

 

pinacothquedebreraentreeII- LE FONCTIONNEMENT DES MUSÉES
Dario Franceschini disait aussi à El Pais en août dernier:  « Nous n’avons pas un grand musée national, comme vous avez le Prado, mais 4000 musées importants. Le plus grand, celui des Offices de Florence, est douze fois plus petit que Le Louvre ! ».Avec ces réformes, la fréquentation devrait considérablement augmenter- actuellement de 40 millions de visiteurs chaque année, dont 2 millions de visiteurs pour les Offices de Florence – car de très grandes collections, faute d’une bonne organisation, ont une très faible fréquentation.
– Les préconisations du ministre sont classiques, celles qui existent dans les grands musées français, anglais ou américains : plus d’autonomie, une vraie comptabilité, des réseaux régionaux, une direction, l’entrée dans le monde numérique.

Voilà ce que vont connaître chacun des 400 musées des régions et les 20 musées d’Etat, qui n’avaient donc rien de tout cela. Aux vingt nouveaux directeurs s’ajouteront des fonctionnaires de la MIBACT (le ministère) pour organiser la mise en place des nouvelles orientations qui devraient essaimer sur l’ensemble des musées et sites historiques (5000 environ). Les Services font évidemment partie des nouvelles priorités pour le confort des visiteurs. Aux fonctions traditionnelles (Conservation/restauration/recherche) s’ajouteront des compétences « Publics, Mécénat et Marketing » ainsi que celle de la « Sécurité ». Enfin le ministre annonce aussi une réforme des politiques horaires et tarifaires afin d’ouvrir davantage les musées aux visiteurs et aux habitants de proximité. Voici la liste des vingt premiers musées concernés :
1) Galleria Borghese (Roma)
2) Gallerie degli Uffizi (Firenze)
3) Galleria dell’Accademia (Firenze)
4) Galleria Estense (Modena)
5) Galleria Nazionale delle Marche (Urbino)
6) Galleria Nazionale dell’Umbria (Perugia)
7) Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea (Roma)
8) Gallerie dell’Accademia (Venezia)
9) Gallerie Nazionali d’arte antica (Roma)
10) Museo Archeologico Nazionale (Napoli)
11) Museo Archeologico Nazionale (Reggio Calabria)
12) Museo Archeologico Nazionale (Taranto)
13) Museo Nazionale del Bargello (Firenze)
14) Museo di Capodimonte (Napoli)
15) Palazzo Ducale (Mantova)
16) Palazzo Reale (Genova)
17) Parco archeologico di Paestum (Paestum)
18) Pinacoteca di Brera (Milano)
19) Polo Reale (Torino)
20) Reggia di Caserta (Caserta)

 

 

Nuovi Uffizi - Première RennaisanceIII- LES 20 DIRECTEURS ET LEUR RECRUTEMENT :14 historiens de l’art, 4 archéologues, 1 gestionnaire culturel et 1 spécialiste en muséologie ont été choisis parmi les 1222 candidats, après une annonce du ministère postée sur « The Economist ». Ils prendront leurs fonctions entre Septembre et Novembre, a annoncé le ministère, qui avait choisi les critères suivants:
– Proposer des « programmes culturels innovants pour être en phase avec les visiteurs locaux et internationaux ».
– Imaginer des solutions des modèles de financements alternatifs et complémentaires des financements actuels). http://jobs.economist.com/job/8738/directors-of-italian-museums/
– Avoir une expérience de gestion d’au moins cinq ans avec une spécialisation culturelle ou scientifique
– Et une forte expérience internationale
Les nouveaux directeurs : 80 candidats étrangers ont candidaté, et sept des futurs directeurs choisis sont européens – trois allemands ; deux autrichiens, un français, un anglo-canadien et quatre italiens qui occupaient un poste à l’étranger
“Ils ont été choisis sur la base de leur expérience et de leur CV; naturellement, ils ont besoin de comprendre l’art italien et de parler l’italien, mais ils doivent surtout être prêts a relever “grand défi” “, a ajouté le ministre, « celui de redonner aux musées italiens la place de leaders qu’ils occupaient autrefois dans le monde ».
Démission aux OfficesIV- L’ACCUEIL DES RÉFORMES : La Presse a largement relayé la polémique de conservateurs irrités par l’arrivée d’étrangers à la tête des musées italiens pour en diriger les 20 sites majeurs, La Stampa du 19 août a demandé son avis aux lecteurs, avec un petit sondage-flash, « Cliquez oui ou non ! » qui donne tout de même une meilleure image de l’accueil des directeurs choisis.

La Question : Sept (sur 20) des nouveaux directeurs des prinicpaux musées italiens sont des  étrangers. Etes-vous favorables à leur nomination?Les pourcentages ont été réaqlisés avec les 5600 votes des lecteus de la stampa en ligne : 87% despersonnes sont favorables, 13% ne le sont pas. Ci-contre, démission d’une conservatrice de la Galerie des Offices, après une conférence de presse houleuse. (La photo vient du site Internet des Offices).

Sondage aout 2015 La Stampa (2)

 

 

 

 

 

 

 

 

Le regret des conservateurs est, au fond, que tous les futurs directeurs ne sont pas tous des historiens d’art et des conservateurs attitrés. Et puis, pour la première fois, les conservateurs ne seront plus « maitres des lieux » puisqu’un un directeur ou une directrice décidera « à leur ancienne place » de la vie et de l’avenir du musée. La peur vient surtout de cette nouvelle organisation, de son horizontalité, avec des missions de même valeur, sans hiérarchie affirmée (Conservation/Marketing/Mécénat/Sécurité…). Bref, cette perte du rôle « dominant » nous rappelle ce qui est arrivé en France lors de la création du Musée d’Orsay, puis lors de la Création du Grand Louvre ou de la réforme du fonctionnement du Château de Versailles. L’arrivée de nouvelles compétences (management ; marketing et numérique) est toujours assez mal vécue dans un premier temps, puis ces résistances au changement diminuent et disparaissent…Jusqu’à la prochaine réforme 🙂
ICOM (2)V- MILAN 2016 !
L’ICOM, International Council of Museum, tiendra sa grande Conférence générale à Milan en 2016du 3 au 9 juillet, sur un thème vraiment neuf : « Le Rapport entre les musées et le paysage culturel ».
LE MUSEE DIFFUS : IL MUSEO DIFFUSO !
Le thème propose que tout musée puisse s’affranchir de ses limites physiques et jouer un rôle au niveau de l’ensemble du territoire où il est implanté. L’objectif serait d’élargir son action et ses responsabilités à l’ensemble du patrimoine culturel de ce territoire.
Avec une question : de quelles manière, avec quels moyens, en s’appuyant sur quelles initiatives et propositions, les musées peuvent-ils contribuer à diffuser la connaissance du patrimoine culturel présent dans et hors de leurs murs ?
« Nous pensons que les musées doivent se sentir responsables de leurs collections, mais aussi du patrimoine qui les entoure ! », dit la première Brochure de la Conférence de Juillet.
Si les musées veulent jouer ce rôle de tutelles actives et de conseil auprès des plus petits sites patrimoniaux, grâce à leurs compétences, la fameuse « inscription territoriale » prendrait une fière allure : ingénierie et développement. Pourquoi pas ?
Adresse pour suivre l’ actualité de cette conférence sur Facebook et y voir la première vidéo de communication pour cette conférence.

280px-IMG_0386_-_Galleria_nazionale_d'arte_moderna,_frontEN CONCLUSION, ces nouvelles réformes et ces investissements sont sans doute nécessaires ; il faut espérer que la réforme sera rapide pour que les musées italiens deviennent plus innovants et que leurs collections, parmi les plus belles du monde, soient réellement visitables avec plaisir. Et que l’ensemble des équipes y participeront, car un musée reflète toujours la bonne entente de ses personnels. En quoi une gestion plus précise, une forte internationalisation, une muséographie innovante et la participation à la révolution numérique nuiraient –elles à la conservation des œuvres ?
Je ne vois pas très bien.
Et vous, chères lectrices et chers lecteurs, quelles réformes feriez-vous pour réformer la culture (musées, monuments, événements, …) en France?
006-accademia_florencePOUR EN SAVOIR PLUS
– La page officielle du ministre Dario Franceschini sur Facebook,
– La Stampa La riforma Franceschini rivoluzionerà tutti i 400 musei italiani 
– La Stampa 20.08.2015 Ecco tutti gli ostacoli per i nuovi direttori dei musei : Dovranno combattere contro burocrazia, scarsa organizzazione, veti sindacali 
– La Stampa du 19 août 2015 : Stranieri alla guida dei nostri musei: non è uno scandalo, metodo giusto 
– La Stampa : Ecco cosa ci possono insegnare i direttori stranieri nei nostri musei (Voici ce que les directeurs étrangers peuvent apprendre à nos musées peuvent apprendre à nos musées les directeurs étrangers). Un article très intéressant, qui reprend en les développant 4 thèmes : Le visiteur au centre ; le courage de changer ; le pragmatisme ; de fortes ambitions) @massimo_russo
-La Stampa : la Carte, de Paris à New-York, des italiens importants dans l’art et les musées 
– L’article du new York Times du 18 aout2015, d’ ELISABETTA POVOLEDO: Un historien de l’art allemand dirigera les Offices, à Rome «German Art Historian to Direct Uffizi Gallery in Italy »
– L’article d’El Pais : Los nuevos directores extranjeros de museos dividen a Italia (Les nouveaux directeurs de musées étrangers divisent l’Italie)
– The Guardian du 18 août sur le choix des directeurs étrangers  :
– The Guardian du 23 août 2015 : Could a German spark a renaissance in the revered temple of Italian art?

NOS PHOTOS : Galleria Uffizi à Florence (Leonard-de-Vinci, La Battaglia-di-Anghiari – copie TavolaDoria)
; Colisée de Rome;  Pinacothèque de Brera; Nouvelles petites salles de la Galerie des Offices de Florence pour la première Renaissance italienne.Galeria nationale d’arte moderna de Roma;Accademia de Florence;

 

 

PAVILLON COREE DU SUDKEN LE TOURISTE PARFAIT Ken, pour UNE fois, hésitait…Rome? Naples?Florence? Venise ou la si jolie Perugia? En fait il avait l’embarras du choix. Avant de donner sa réponse à Dario, il appela donc, entre deux réunions d’affaires et dans son jet privé, son ex, Barbie Chérie. Après tout c’est elle qui ferait le “gros effort”, comme elle disait, de quitter L.A pour devenir la meilleure des épouses d’un directeur de musée italien. C’était donc à elle de décider!

2 pings

  1. […]   […]

  2. […] : Relire sur notre blog deux articles de 2015 : :l’Italie et la Culture en mouvement  et « En Italie, la Révolution continue!« .Et ceux de 2017 : le Plan stratégique du Tourisme et Les politiques pour les zones rurales et […]

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